ÉTUDES
DE PSYCHOLOGIE COMPARÉE
LE SENS DE LA COULEUR :
SON ORIGINE ET SON DÉVELOPPEMENT[1]
Toutes les parties de la philosophie doivent être successivement renouvelées par le point de vue de l’évolution. La psychologie sait déjà retracer dans ses grandes lignes l’histoire de la pensée ; la logique est pénétrée de plus en plus par l’idée du devenir ; la morale telle qu’on l’entendait autrefois, cette science par excellence de l’immuable et de l’absolu, paraît même quelque peu entamée. Voici l’esthétique qui se transforme à son tour. Les types éternels sur lesquels les philosophes spiritualistes avaient les yeux fixés quand ils traitaient de la beauté et de ses lois ont perdu leur antique splendeur ; personne ne les consulte plus. Une esthétique nouvelle se constitue peu à peu, très préoccupée de questions que l’ancienne eût considérées comme infimes : du sens de la beauté chez les animaux, des conditions physiques de nos sensations agréables ; du rapport des sensations agréables désintéressées avec les fonctions vitales essentielles, et par-dessus tout des origines, des premières manifestations de tel ou tel sens esthétique dans la série zoologique et dans l’homme. Les anciens livres sur le beau empruntaient leurs exemples aux œuvres de Raphaël et de Mozart ; les plus récents se réfèrent surtout aux poteries primitives et à la musique rudimentaire des sauvages, quand ils ne portent pas leur attention sur la parure des papillons et le chant des oiseaux. C’est ainsi que les partisans de l’évolution cherchent, ici comme ailleurs, à jeter la lumière sur les commencements des choses, qui semblaient naguère impénétrables. Dès maintenant, leurs travaux abondent en résultats précieux : que sera-ce quand l’école se sera étendue au delà de l’Angleterre et de l’Allemagne et aura recruté chez les nations latines les
- ↑ Grant Allen. The colour sense, its origin and developpement. in-8o. London, Trübner.
