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analyses. — froschammer. Monaden und Weltphantasie.

chammer[1] : l’Imagination comme principe du développement du monde. Dans cette œuvre, il cherchait à maintenir à la fois et l’unité des choses et la réalité des individus, en partant d’un principe unique : l’imagination, dont l’activité créatrice devait expliquer à la fois et la distinction des êtres particuliers et l’harmonie de leurs mutuels rapports. Aujourd’hui, M. Froschammer se résume et se défend. Après avoir essayé de répondre aux critiques et d’éclaircir sa pensée, il attaque à son tour, en comparant sa théorie à celle des philosophes qui à la suite de Leibniz partent de la multiplicité et prennent pour principe des choses un nombre indéfini de forces simples ou monades.

Ce qui préoccupe surtout les philosophes de notre temps, c’est l’unité de substance. La science par l’étude des faits nous révèle de plus en plus que tout se tient et s’enchaîne, qu’aucun être n’est indépendant du milieu dans lequel il est plongé, que la vie de la nature entière est faite d’actions et de réactions réciproques qui se répondent à l’infini ; la philosophie doit expliquer ce que la science constate. Aussi, des philosophes, les uns nient la distinction de Dieu et du monde, les autres la réalité de la matière, les autres l’existence indépendante de l’esprit. Ce qui caractérise notre époque, c’est le monisme, c’est-à-dire, pour parler français, l’effort de ramener tout ce qui est à un principe unique. Pour y parvenir, tantôt on essaye de dériver la multiplicité des phénomènes de l’unité primitive d’une substance, dont les êtres individuels ne sont que les modes éphémères ; tantôt on met la multiplicité à l’origine des choses et on part d’un nombre indéfini d’êtres simples, de forces sans étendue, toutes de même nature. Dans le premier cas, on n’explique pas les individus ; dans le second, on ne comprend pas leurs rapports intimes et l’unité de l’univers. M. Froschammer veut tout concilier ; il cherche à satisfaire aux besoins de son temps sans rompre avec le passé, à élargir les idées traditionnelles de l’humanité au lieu de les oublier ; il maintient la distinction de l’esprit et de la matière, de la pensée et de l’étendue, et, bien que dans sa philosophie de la nature il ne prononce pas le nom de Dieu, tout fait pressentir que cette nature n’a qu’une indépendance relative et ne trouve que dans un être suprême la raison suffisante de son existence et de son intelligibilité.

Pour expliquer le développement progressif du monde, il faut un principe dont l’unité explique l’harmonie universelle, dont la fécondité créatrice explique la pluralité des phénomènes et la réalité des individus. Ce principe du progrès, d’après M. Froschammer, doit être conçu sur le modèle de la puissance intérieure, qu’on appelle l’imagination, et peut prendre le même nom (Phantasie). Pourquoi donner tant d’importance à cette faculté de l’esprit ? C’est que, d’après l’auteur, l’imagination est ce qu’il y a de primitif ; elle est la faculté présente à toutes les autres facultés, le principe que développe toute la

  1. Voir No de Février 1878.