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espinas. — le sens de la couleur

des considérations qui dépassent même le champ de la psychologie comparée —, ou qui retendent si loin qu’elles en feraient une sorte de centre et de foyer où viendraient converger les résultats de toutes les sciences : la psychologie, comme science de l’esprit, servirait de lien à toutes les sciences de la nature ; par elle et en elle, leur interdépendance serait seulement consacrée : la philosophie renaîtrait sous son nom.

C’est un fait important à signaler que la formation en Angleterre et en Allemagne de cette classe d’organisateurs (organizing class) qui se sont donné la mission d’absorber au profit de la philosophie les découvertes de la physique, de la chimie et des sciences naturelles, mais n’ont pas renoncé pour cela à former au milieu des investigateurs de la nature un groupe distinct et défini. En France, les philosophes reprochent à ceux d’entre eux qui s’enfoncent dans les détails des sciences naturelles de trahir la philosophie ; et les savants spéciaux ont une tendance à considérer les généralisateurs comme des poètes qui ont manqué leur vocation. Le temps est proche où cette défiance mutuelle va cesser. Elle a pour cause précisément le défaut d’organisation du travail scientifique, c’est-à-dire le manque de livres et d’habitudes favorisant le commerce des faits avec les idées, des érudits de diverses sortes avec les penseurs. Toute une littérature nous vient de l’étranger pour répondre au premier besoin ; le contact des professeurs appartenant aux ordres multiples d’enseignement que renferment les établissements universitaires satisfera le second. En Angleterre, l’organisation est plus avancée. L’ouvrage de M. Grant Allen nous en fournit la preuve : il est bien le produit naturel d’une sorte de collaboration où une multitude d’hommes spéciaux mettent en commun les résultats les plus certains de leurs recherches. Nous voyons dans la préface M. Grant Allen énumérer ses obligations ; à l’un il doit telle et telle idée générale, à l’autre des renseignements sur telle et telle classe de faits : un botaniste l’a pourvu d’abondantes informations sur les fleurs et les fruits, un assyriologue l’a introduit dans l’art assyrien, un hébraïsant lui a expliqué le vocabulaire des couleurs usité par la Bible. Une vingtaine de savants sont nommés à la suite comme ayant apporté quelque contribution à l’auteur et il eût pu sans doute en nommer d’autres. Il y a plus. La puissance coloniale de l’Angleterre procure aux anthropologistes et aux biologistes en général des facilités d’information exceptionnelles ; elle fait de ce pays le sol privilégié de la philosophie expérimentale. M. Allen avait besoin de vérifier l’assertion de Magnus que les sauvages actuels ne discernent pas un aussi grand nombre de couleurs que nous ; aus-