Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
152
revue philosophique

leur présence une empreinte relativement faible. C’est ainsi que les surcharges peuvent rendre un texte de manuscrit illisible sans pour cela l’effacer.

Le résidu de l’action extérieure consiste donc simplement en un nouvel arrangement imposé aux molécules. Celles-ci étaient disposées dans un certain ordre, elles avaient entre elles certaines relations, et la manière d’être de chacune d’elles était l’expression adéquate de la manière d’être de tout le groupe dont elle faisait partie. La force étrangère a eu pour effet immédiat de modifier cet agencement. Pour cela, elle devait vaincre des résistances ayant leur point d’appui dans certaines habitudes prises ; et le résultat final a été une discipline nouvelle plus ou moins impérieuse, des habitudes nouvelles qui seront plus ou moins dominantes en raison inverse de la vigueur de l’ancienne discipline et des anciennes habitudes, et en raison directe de l’énergie et de la persistance de la cause impressionnante. Le nouvel état moléculaire est la résultante de l’état moléculaire antérieur et de la force perturbatrice. C’est le produit d’une combinaison où la force nouvelle figure comme composante ; et, ainsi que dans les combinaisons chimiques, cette réunion n’est possible que par le sacrifice réciproque de deux libertés.

En stricte théorie, la capacité que possède la matière inerte ou vivante de fixer les forces, n’a donc pas de borne. Quelle idée, en effet, pourrait-on se faire d’une matière qui subirait des chocs sans les arrêter, si peu que ce soit ? Cependant, on peut dire, pour l’objet spécial qui nous occupe, que cette capacité a une double limite. Les chocs peuvent tomber sur des molécules dont les habitudes sont tellement tenaces qu’en apparence ils ne causent aucune déviation. C’est ainsi que la chimie nous fait connaître des corps composés présentant la plus grande résistance à toute tentative de décomposition. C’est ainsi encore qu’il y a de par le monde des gens stupides ou têtus qui savent persister toute leur vie dans une erreur que l’on a cent fois réfutée. Ils ne sont pas absolument insensibles aux raisons qu’on leur objecte, mais c’est tout comme. Les chocs peuvent aussi rencontrer des molécules si peu susceptibles d’attachement, qu’elles se laissent entraîner sans la moindre résistance dans toute espèce de tourbillon. Il y a des corps qui laissent passer la lumière ; il y a des intelligences bornées incapables de rien apprendre. On peut dire, par exemple, du cerveau d’un dément qu’il ne sait rien retenir. Et encore ne faut-il pas accorder aux termes un sens rigoureux, J’ai connu une personne âgée qui, frappée de paralysie, ne vivait plus que d’une vie végétative. La seule lueur d’intelligence qui lui restât, c’était, quand elle voyait ses enfants ou