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g. séailles. — philosophes contemporains

vers la perfection, l’aspiration continue du réel vers l’idéal ? Lisez ma cosmologie, elle est ma réponse et ma justification.

La vérité, c’est qu’arrivé au vrai problème métaphysique, au problème de l’être, M. Vacherot oublie sa prétention de faire de la métaphysique une science positive pour exposer une philosophie dont les principes ne se rattachent plus directement à sa théorie de l’intelligence. L’analyse ne peut dégager des phénomènes extérieurs que le mode d’action selon lequel la nature réalise l’univers ; seule, la conscience de notre activité s’exerçant sous l’impulsion du désir nous découvre les idées de cause et de fin et la subordination des causes aux fins. Or ce sont ces idées de cause et de fin qui, dans la cosmologie, appliquées à l’universalité des choses, deviennent les idées de l’infini et du parfait, de la cause qui comprend toutes les causes, de la fin qui concilierait toutes les fins, et c’est en concevant entre l’infini et le parfait un rapport analogue à celui qui s’établit en nous entre la cause et les fins qu’elle poursuit qu’il arrive à sa théorie du progrès, de l’effort continu de l’infini vers l’idéal. L’abstraction ne donnait que des idées générales, tout au plus des formules, qui ne gagnaient en extension qu’à la condition de perdre en compréhension et qui ne laissaient pour terme suprême que le fantôme logique de l’être indéterminé ; la réflexion nous laisse l’intelligible, puisqu’elle n’est que l’analyse de l’esprit, mais elle nous rend avec la cause la réalité, la puissance et la vie.

Peut-être en rétablissant ces prémisses, supposées par la cosmologie, est-il possible de répondre à quelques-unes des objections qui ont été adressées à M. Vacherot. D’abord l’Être n’est plus l’être indéterminé, ce qu’il y a de plus général et de plus vide ; l’Être, c’est l’esprit dans son essentielle activité. Peut-on dire alors « qu’on ne comprend pas comment la nature peut être déterminée à produire[1] » ? La fonction de l’esprit, c’est de se diviser en idées multiples et de faire effort pour les concilier ; c’est de créer les individus et de les comprendre dans l’universel, de se briser ainsi en causes particulières et de faire effort pour les coordonner à une même fin ; l’esprit, c’est la puissance pour l’idée, la cause pour la fin, le mouvement pour le bien. — Mais, tant que l’être vivant n’est pas apparu, l’esprit s’ignore lui-même ; à vrai dire, il. n’est pas l’esprit, parce qu’il n’est pas la conscience ; comment admettre « que l’intelligible préexiste à l’intelligence, qu’un ensemble de lois visiblement intentionnelles puisse ne pas provenir d’une souveraine pensée[2]. » — On suppose contre l’expérience que la pensée est nécessairement consciente d’elle

  1. M. E. Caro, L’idée de Dieu, p. 247.
  2. M. E. Caro, L’idée de Dieu, p. 252.