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beaux monuments de la philosophie, soit dans l’antiquité, soit dans les temps modernes. Au mérite de la priorité, elle en joint un autre, la ravité et le nombre des questions qu’Aristote a soulevées. L’auteur conclut en les énumérant une seconde fois.

Dans la deuxième partie de son livre, M. Barthélémy Saint-Hilaire se propose d’établir d’abord la valeur de la métaphysique d’Aristote, en montrant qu’il n’est inférieur à aucun des grands philosophes qui sont venus après lui. Gomme termes de comparaison, il prend Descartes, Spinoza, Leibnitz, Kant et Hegel. Si Aristote n’est au-dessous d’aucun d’eux, s’il est même supérieur à la plupart, la démonstration sera aite

Il semble que Descartes continue directement Aristote, tant le mouvement de l’un à l’autre semble régulier et presque insensible. Le mérite du philosophe ancien à faut celui de l’autre : Aristote l’emporte par l’étendue et la variété de l’intelligence. Tous deux cherchent avec la même ardeur le fondement de la certitude : l’axiome cartésien a un immense avantage sur le principe de contradiction, parce qu’il n’est pas seulement un fait logique, mais un fait vivant et actuel, analogue à la noesis noeseos, où la pensée et l’existence s’identifient. La vraie gloire de Descartes n’est pas sa méthode, dont sa modestie s’est exagéré l’importance, mais son point de départ, son principe, « dont la philosophie peut dire plus justement que personne : Hors de là pas de salut. » La psychologie doit être le point de départ de toute philosophie qui redoute les chimères.

Descartes est encore supérieur à Aristote pour sa manière de traiter la question de l’existence de Dieu, qu’il rattache indissolublement à l’existence et à la pensée de l’homme ; l’auteur de la Métaphysique au contraire ne fait, dans sa preuve du premier moteur, que traduire le sentiment de l’humanité qui s’élève à Dieu en prenant pour point de départ le spectacle du monde. La preuve de Descartes est d’une solidité inébranlable. Aristote en pose lui-même le principe lorsqu’il affirme que la cause première est le plus parfait des êtres, que c’est la cause qui est la perfection et l’infini, tandis que l’effet n’est que le fini et l’imparfait.

On reproche à tort à Descartes d’avoir ouvert la porte à l’idéalisme et au scepticisme en n’admettant la réalité du monde extérieur que sur la foi de la véracité divine. « Descartes a cru, comme tout le monde, à la réalité du dehors, et, quoiqu’il ne l’ait pas expressément indiquée dans son axiome, on peut assurer qu’elle y est implicitement comprise. La véracité divine est un argument qu’il oppose à un doute insensé, et c’est presque à contre-cœur qu’il consent à y répondre. » Ainsi la gloire de Descartes est d’avoir donné à l’esprit humain non pas une méthode, mais la méthode, d’avoir fondé la certitude de l’existence de Dieu sur celle de la nôtre, « d’avoir démontré tout ensemble la providence, la spiritualité de l’âme, le libre arbitre, la personnalité, avec les conséquences morales et intellectuelles que portent ces principes sacrés. »