Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
233
analyses. — b. saint-hilaire. De la Métaphysique.

férence à ceux qui ont pénétré le plus avant dans les choses et dans leur esprit ? On les trouve obscurs : la lumière chez eux n’est pas à la surface, dans les mots et dans les images. On la trouvera si l’on se donne la peine de la chercher où elle est. On la trouvera plus intime et plus pleine, n’éclairant pas les choses, les pénétrant et les faisant pour ainsi dire transparentes. C’est la clarté de la Critique, la clarté profonde, à trois dimensions. Sans faire tort à l’autre, elle vaut la peine d’être conquise. « Si la route que j’ai prouvée conduire à ce but, dit Spinoza en terminant son Éthique, paraît difficile, elle n’est pourtant pas impraticable. Comment ne point penser qu’elle soit rude à poursuivre, quand on la voit si rarement poursuivie ? Mais toutes les choses très belles sont aussi difficiles que rares. » Pour un vrai botaniste, qui dissèque les tissus des plantes et donne, suivant l’énergique expression de Bacon, la chasse à la nature jusque dans ses régions les plus inaccessibles, combien d’amateurs, satisfaits de les regarder, de les trouver belles, de les recueillir quelquefois pour les ranger dans un certain ordre, peu tentés d’entreprendre, d’estimer môme, un travail moins simple ! Il y a aussi deux botaniques.

Quelles que puissent être les préférences de M. Barthélémy Saint-Hilaire pour une autre philosophie, nous ne saurions lui laisser croire que le kantisme, cette moderne incarnation de la philosophie obscure, soit aujourd’hui complètement oublié.

Ne fait-il pas aussi bien bon marché des deux mille ans qui séparent Aristote de Descartes ? L’histoire de la philosophie compte dans cette période plusieurs noms illustres, et, si importante que soit l’ère nouvelle inaugurée par Descartes, la transition vaudrait la peine d’être marquée. Il y a quelque rapports sans doute, malgré la différence des temps, des milieux et des esprits, entre sa philosophie et celle d’Aristote. L’une et l’autre sont l’œuvre de savants préoccupés avant tout des intérêts de la science, désireux d’en asseoir l’édifice, en donnant à l’esprit la conscience de lui-même, une méthode, et la foi dans ses facultés. Un abîme n’en sépare pas moins ces philosophies : le christianisme. Quelle révolution l’idée chrétienne, ou pour mieux dire le sentiment chrétien, fit-il subir à l’idée métaphysique de l’antiquité ? Gomment la scolastique sortit-elle de cette révolution, et de la scolastique Descartes ? Il serait intéressant de le rechercher.

Pour le contenu, la philosophie de Descartes appartient au moyen âge, dont elle condense la pensée ; elle est moderne, presque critique, par la forme, par l’effort qu’elle tente pour s’établir scientifiquement sur une base solide, permanente, c’est-à-dire intérieure à l’esprit, au lieu de se suspendre à des hypothèses extérieures. Le subjectivisme de Berkeley, le phénoménisme de Hume, celui de Kant, sont en germe dans le Cogito ergo sum. Le pont que Descartes essaye de jeter par la démonstration de l’existence de Dieu entre l’esprit et le monde, sera d’abord trouvé impraticable, puis inutile.

Toute la métaphysique de Descartes et de son école est destinée à