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donc fort mal informé, et ses lettres ne nous permettent guère de l’être mieux que lui. D’ailleurs peut-on croire que Kant ait formé un ouvrage de pièces et de morceaux ? Le supposer, c’est rabaisser sa gloire ; mais peut-être a-t-on intérêt à la rabaisser, etc., etc.

M. Arnoldt reproche encore à M. B. Erdmann d’avoir défiguré le sens de la critique de Gôttingue, d’avoir méconnu la pensée de Kant sur les choses en soi, d’avoir mal résumé les idées essentielles de la Critique… Seulement il est impossible de voir en quoi ses propres opinions diffèrent de celles qu’il reprend chez son adversaire. Ainsi il ne veut pas entendre parler d’une pluralité de choses en soi ; et, en même temps, il assure que Kant ne doute point et que nous ne devons pas douter de l’existence des choses en soi. Il est vrai que, le nombre étant un schème, on ne peut les poser théoriquement ni comme unité ni comme pluralité ; et de cela M. B. Erdmann n’a jamais douté, je suppose. M. B. Erdmann distingue dans l’Esthétique et dans l’Analytique deux directions, l’une idéaliste, l’autre empirique. Il y en a quatre, riposte M. Arnoldt : idéaliste trancendantale, — rationaliste, — empirique, — réaliste, etc., etc. — En somme, on ne peut voir dans la dissertation de M. Arnoldt une contribution bien importante pour l’étude du criticisme kantien, et, d’autre part, l’introduction de M. Erdmann garde, en dépit de la vivacité de cette attaque, tout son intérêt et toute sa valeur.

D.

Julius Janitsch. Les jugements de Kant sur Berkeley, étude de philologie kantienne. (Kants Urteile uerer Berkeley, ein Beitrag zur Kantphilologie). Strassburg i. Els. Julius Astmann. 1879.

On a souvent signalé l’extrême sévérité ou plutôt l’extrême injustice des jugements portés par Kant sur Berkeley en différentes parties de ses œuvres ; mais personne n’en a jusqu’alors donné l’explication : M. Janitsch s’est proposé de la chercher.

Cette explication, et avec elle la brochure dont nous parlons, pourrait se résumer en un mot : Kant ne savait pas l’anglais ; il n’a pu connaître le système de Berkeley que par des ouvrages de seconde main ou par les rapports que lui en ont faits, en quelque manière, des amis, comme Hamann, peu capables de bien comprendre une doctrine un peu subtile. Il avait d’ailleurs pour l’histoire de la philosophie le dédain des esprits originaux, et il a marqué quelque part ce dédain, qui s’étendait aux érudits de cette histoire, en disant d’eux que l’histoire de la philosophie est toute leur philosophie.

Mais il reste à se demander pourquoi, au lieu de passer sous silence la doctrine de Berkeley, comme il l’a fait de beaucoup d’autres. Kant s’est appliqué, en plusieurs passages de ses œuvres, à prouver d’abord qu’il était mal informé, à accabler ensuite de son mépris, en traitant l’auteur de fanatique mystique et ses conceptions de rêveries, un phi-