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du plus grand effort, n’est-ce pas encore parce qu’antérieurement les deux idées correspondantes ont été données ensemble ? S’il avertit ses compagnons de s’écarter, c’est encore parce que, en vertu de la même loi, la dernière idée amène celle de la dissémination de l’effort à laquelle elle a déjà été unie. Ainsi une association qui paraît résulter de l’aperception immédiate d’une ressemblance se résout, à l’analyse, en un groupe d’associations par contiguïté : dans chaque rapprochement partiel, comme dans l’exemple cité plus haut, la ressemblance, loin d’associer les idées, n’est aperçue que quand les idées sont déjà associées.

Sans doute, ces diverses opérations s’accomplissent dans l’intelligence humaine avec une prodigieuse rapidité mais on a signalé depuis longtemps bien d’autres exemples d’actes de la pensée encore plus rapides. De même qu’il y a dans le monde des corps des infiniment petits qui nous déconcertent, il y a dans les faits psychiques des infiniment rapides.

Il est vrai encore que l’intelligence animale paraît incapable d’opérations si compliquées : c’est qu’elle n’isole pas, comme nous, les diverses parties d’une idée. Elle se meut difficilement et lourdement ; elle n’aperçoit, sauf de rares exceptions, qu’une masse confuse là où notre œil pénétrant discerne mille détail* ; elle ne met en œuvre en quelque sorte que des blocs informes. L’intelligence humaine au contraire, alerte et souple, ne prenant dans chaque idée que ce qui lui convient, s’allège du reste ; elle court aisément d’une idée à une autre ; c’est un jeu pour elle de combiner en mille façons les matériaux variés que sa mémoire, riche et fidèle, lui fournit à profusion. Personne, à notre connaissance, n’a mieux que M. W. James mis en lumière cette propriété de l’intelligence humaine, qui détache et isole, pour les mieux manier, les parties d’une idée : et c’est une bien profonde et féconde vue qu’il a exposée dans cet essai de psychologie de la dissociation qu’il oppose à la psychologie de l’association. Mais en fin de compte, si l’intelligence de l’homme fait plus et fait mieux que celle de l’animal, elle ne fait pas autre chose.

Au surplus, M. James lui-même reconnaît, dans quelques-uns des curieux exemples qu’il cite, que l’animal, au moins lorsqu’il est excité par un intérêt immédiat, est capable d’associations par similarité. L’homme se distinguerait en ce qu’il accomplit les mêmes opérations sans intérêt et comme pour l’amour de l’art. — À tout prendre, il faudrait convenir que le fait d’associer par similarité n’est pas une différence spécifique. Au vrai, il semble que l’homme peut accomplir en tout temps les associations les plus compliquées, parce que, se sentant capable de les accomplir, il y est sol-