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d. nolen. — les maîtres de kant

Les femmes évitent le mal non parce qu’il est injuste, mais parce qu’il est haïssable ; et les actions vertueuses sont pour elles des actions moralement belles. « La femme est plus sensible au renom de repoussante qu’à celui d’impudique. » Quelles que soient les vertus qui la recommandent ou qu’elle recherche, elles n’ont tout leur prix à ses yeux que par le suffrage de l’opinion publique. Mais, en revanche, ce qu’elle admire le plus chez l’homme, c’est l’indépendance du jugement et du caractère. « Si tu veux que ta femme t’estime plus que tous les autres, montre que tu n’es pas toi-même l’esclave de l’opinion d’autrui[1]. »

Kant se demande quelle éducation il convient de donner à la femme et surtout en quoi cette éducation doit différer de celle de l’homme. Le cinquième livre de l’Émile est assurément présent à la pensée du philosophe, lorsqu’il traite ce sujet dans les Considérations et dans la Pédagogie.

« Des études fatigantes, de pénibles recherches, quelque loin qu’une femme les pousse, effacent les avantages propres à son sexe. Ainsi les femmes n’apprendront pas la géométrie ; elles ne sauront du principe de la raison suffisante ou des monades que ce qui leur sera nécessaire pour sentir le sel répandu dans les satires des petits critiques de notre sexe. L’objet de là science des femmes, c’est surtout l’espèce humaine, et, dans l’espèce humaine, l’homme en particulier. Leur philosophie n’est pas de raisonner, mais de sentir. Les exemples tirés de l’antiquité et qui montrent l’influence que le beau sexe a exercée dans les affaires du monde, les diverses conditions que lui ont faites les hommes en d’autres siècles et dans des pays étrangers, le caractère des deux sexes lorsqu’il se traduit dans ces exemples, le goût changeant des plaisirs : voilà leur histoire et leur géographie. » Et par un retour de légitime fierté sur les succès de son récent enseignement, où se trahit le professeur de géographie, Kant continue en ces termes :

« Il est beau de rendre agréable à une femme la vue d’une carte terrestre représentant le globe terrestre ou les principales parties de la terre. On y parvient lorsque, en la mettant sous ses yeux, on lui dépeint les divers caractères des peuples, la variété de leurs goûts. et de leurs sentiments moraux, surtout si l’on en montre l’influence sur les rapports des sexes entre eux. De même du système du monde : elles n’ont besoin de savoir que ce qu’il leur en faut pour être touchées du spectacle du ciel dans une belle soirée, c’est-à-

  1. Fragments, p. 627.