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THALÈS ET SES EMPRUNTS

A L’ÉGYPTE


I.


Dans l’histoire de la philosophie prédomine aujourd’hui la croyance que, dès son aurore, la pensée hellène s’est développée indépendamment de toute influence étrangère. Il n’y a pas encore bien longtemps qu’une semblable opinion était également en faveur parmi les historiens des mathématiques ; mais, quoique ce soit peut-être dans les sciences exactes que s’affirme le plus la personnalité du génie inventeur, il semble que, de nos jours, les doctrines évolutionnistes aient rallié presque tous ceux qui étudient l’origine et les progrès de ces sciences, et c’est l’opinion inverse qui triomphe sans contestations sérieuses.

La divergence est parfaitement constatée par Edouard Zeller[1], pour ce qui concerne, en particulier, le premier sage dont le nom se retrouve au début des deux côtés, dans l’histoire des sciences comme dans celle de la philosophie. « Nous savons, en outre, que Thalès s’est distingué par ses connaissances en mathématiques et en astronomie. C’est lui qui transporta les principes de ces sciences, des pays orientaux et méridionaux, dans la Grèce. » Mais « aucun témoignage n’indique que Thaïes ait emprunté aux Orientaux, outre des connaissances géométriques et astronomiques, des connaissances philosophiques et physiques. »

Cependant, à moins de parti pris, il faut avouer que la reconnaissance de l’influence étrangère sur le premier point crée un préjugé en ce qui regarde le second. L’absence de témoignages positifs invoquée par E. Zeller ne peut d’ailleurs avoir une importance déci-

  1. Nous empruntons l’excellente traduction de La philosophie des Grecs, par M. Boutroux — Paris, Hachette, 1877. — Voir pages 199-201.