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analyses. — th. ribot. La philosophie allemande.

prouvé, comme ce l’est pour les sensations (quoique ce soit probable), que chaque état mental a pour antécédent immédiat et pour cause prochaine une modification nerveuse. Et, en fût-on même certain, on serait toujours forcé de reconnaître qu’on ignore complètement en quoi consistent ces états nerveux.

Nous ne savons pas, et nous n’avons aucun moyen de savoir, en quoi l’un diffère de l’autre, et nous n’avons d’autre manière d’étudier leurs successions et leurs coexistences que d’observer les successions et les coexistences des états mentaux dont on les suppose les générateurs, les causes. Les successions des phénomènes mentaux ne peuvent donc être déduites des lois physiologiques de notre organisation nerveuse ; et nous devons continuer à chercher longtemps encore, sinon toujours, toute la connaissance réelle que nous pouvons en acquérir dans l’étude directe des successions mentales mêmes. Puis, donc, que l’ordre des phénomènes mentaux doit être étudié dans ces phénomènes, et non être inféré des lois de phénomènes plus généraux, il existe une science de l’esprit distincte et séparée.

« Sans doute, on ne doit jamais perdre de vue ni déprécier les rapports de cette science avec la physiologie. Il ne faut pas oublier que les lois de l’esprit peuvent être des lois dérivées des lois de la vie animale, et que, par conséquent, elles peuvent dépendre en dernière analyse de conditions physiques ; et l’influence des états ou des changements physiologiques sur les successions mentales qu’ils modifient ou contrarient est un des sujets les plus importants de la psychologie. Mais, d’un autre côté, je regarde comme une erreur tout aussi grande en principe, et plus sérieuse encore en pratique, le parti pris de s’interdire les ressources de l’analyse psychologique, et d’édifier la théorie de l’esprit sur les seules données que la physiologie peut actuellement fournir. Si imparfaite que soit la science de l’esprit, je n’hésiterai pas à affirmer qu’elle est beaucoup plus avancée que la partie correspondante de la physiologie, et abandonner la première pour la seconde me semble une infraction aux véritables règles de la philosophie inductive, infraction qui doit conduire, et conduit en effet, a des conclusions erronées dans plusieurs branches très importantes de la science de la nature humaine. » (System of Logic, VI, iv, 2.)

Peut-être avons-nous fait preuve de quelque naïveté en cherchant dans la Psychologie allemande un e réponse à Stuart Mill. Il ne serait pas impossible qu’au fond M. Ribot n’eût aucune envie de combattre Stuart Mill. Fechner a défini quelque part la psychophysique c une théorie exacte des rapports entre l’âme et le corps et d’une manière générale entre le monde physique et le monde psychique (p. 157). » Que l’on consente à prendre cette formule pour une définition de la psychologie physiologique, et nous serons tous d’accord.

II. — Le livre de M. Ribot est écrit suivant la vraie méthode scientifique : nul développement littéraire ; des faits, des observations, des expériences, des calculs, des discussions ; rien de plus. Dans les ou-