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les fonctions politiques, les essais de centralisation ou de décentralisation politique, les fédérations d’États ou de provinces, etc., nous offre en spectacle le développement du même principe, toujours un sous les formes les plus variées, et tend à l’établissement d’une sorte de convention universelle entre les volontés conscientes.

Ceci posé, le tort des deux doctrines adverses, représentées par des écoles antagonistes, consiste dans cette fausse persuasion que les idées d’organisme naturel et de contrat volontaire s’excluent. Nous soutenons au contraire que, dans la société humaine, elles sont ou doivent être ramenées à l’unité, si bien que notre formule sociale, plus compréhensive, est la suivante : Organisme contractuel.

En effet, ce qui donne à un corps son caractère organique, sa structure et ses fonctions, ce qui y produit le concours et la conspiration des parties pour le bien de l’ensemble, ce qui en fait par cela même un être vivant, c’est-à-dire capable de sentiment et de mouvement spontané, ne change pas parce qu’à tout ce qui existait déjà vient s’ajouter un attribut nouveau : la conscience. Supposez, par impossible, que notre cœur, nos poumons, notre estomac, notre tête en viennent à avoir conscience de leur fonction propre ; supposez que, — tout en continuant de subir les mêmes réactions sympathiques, le même contre-coup agréable ou douloureux, la même communauté de besoins, la même nécessité de services réciproques, — ils comprennent et acceptent cette nécessité de manière à accomplir volontairement ce qu’ils accomplissaient fatalement, la vie et la coopération des parties auront-elles pour cela disparu de notre corps, et ce corps aura-t-il cessé d’être un organisme ? — Ce serait en effet, dira-t-on, la dissolution de notre corps, car chaque cellule et chaque organe pourra se séparer des autres, se révolter comme les membres contre l’estomac. — C’est qu’alors vous supposez deux choses : premièrement des organes qui pourraient de tout point se suffire, secondement des organes qui ne seraient pas conscients de leur fonction et persuadés de sa nécessité. Or, premièrement, les organes ne peuvent se suffire et ont besoin du sang nourricier qui circule dans l’organisme ; secondement, nous leur supposons la conscience de leur rôle dans le tout auquel ils sont unis ; comment donc pourraient-ils se séparer, fussent-ils libres de le faire, sauf dans des exceptions tout accidentelles ? Est-ce que, dans un État, les fonctionnaires abandonnent tous à la fois leurs fonctions, malgré la liberté qu’ils ont de démissionner ? Est-ce que le service des postes, par exemple, est dissous parce que chaque employé conserve le droit de se retirer et qu’aucun n’est forcé d’y entrer par un compelle intrare ? S’il y a des crises, des chômages,