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delbœuf. — le sommeil et les rêves

L’attention volontaire a donc pour effet d’aviver les puissances sensitives dans une direction déterminée. C’est là un fait indéniable, quoique mystérieux. Elle est souvent provoquée par l’attention involontaire. Au milieu de la nuit, un bruit subit vous réveille, et vous vous mettez à écouter. Quel est le mécanisme de cette faculté ? Je crois qu’il serait actuellement bien difficile d’émettre à ce sujet même une simple conjecture. Il me suffit d’avoir indiqué qu’elle aboutit, en dernière analyse, à augmenter l’importance d’une impression donnée comme le ferait un renforcement dans l’action de l’agent extérieur, ou un accroissement de la sensibilité. Passons à l’attention involontaire.

La force extérieure ne nous impressionne qu’à la condition de déranger l’équilibre des molécules corporelles. Elle y détruit peu à peu les résistances qui l’arrêtent, jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre s’établisse. L’attention est le signe du retentissement interne de cette lutte de l’extérieur contre la substance sensible. De plus, toute impression nous affecte agréablement ou désagréablement, et nous inspire de l’attrait ou de la répugnance pour l’objet qui en est la cause, ensuite de quoi le sujet fait des efforts pour s’en rapprocher ou pour s’en éloigner. Cette réaction de la sensibilité contre l’extérieur est aussi accompagnée d’attention. Dans l’un comme dans l’autre cas, l’attention se confond avec le sentiment de la résistance ou de l’effort ; ce n’est, en résumé, que l’aspect psychique, soit de la fixation au dedans d’une force externe, soit de l’application au dehors d’une force interne ; elle est le corollaire de tout effort ou de toute résistance.

La résistance diminuant, l’attention s’affaiblit. Logent extérieur dans son action sur la sensibilité suit la ligne de moindre résistance, et son passage même atténue encore cette résistance. De même aussi, le mouvement voulu assouplit l’appareil qui sert au mouve-

    identiques de sonorité deux métronomes dont le tic-tac aurait exactement la même force. L’expérimentateur, se plaçant sur la droite qui les relie, se rapprocherait tantôt de l’un, tantôt de l’autre. Il est clair que par ses déplacements il fait varier les intensités respectives des sons qui frappent ses oreilles, et l’on conçoit sans peine qu’il peut se placer là où spontanément son attention soit attirée tout entière par l’un des deux instruments. Mais la volonté peut modifier cette relation ; elle peut tourner son attention vers le son le plus faible, de manière à le lui faire percevoir et à ne pas laisser le plus fort parvenir jusqu’à l’âme. On déterminerait le maximum d’effet que peut obtenir la volonté ; puis, par un calcul fondé sur la loi du carré des distances, on mesurerait ce maximum. On trouverait ainsi facilement dans quelles limites l’attention peut renforcer ou amoindrir un bruit. Bien souvent il m’est arrivé pendant la nuit d’entendre le tic-tac de ma montre et de ne pas entendre celui de mon réveil, qui est cependant beaucoup plus fort. Puis tout à coup j’entendais celui-ci, et alors j’étais dans l’impuissance de ressaisir celui de la montre.