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REVUE PHILOSOPHIQUE

J’arrive enfin à cette thèse qu’on m’accuse d’avoir soutenue. Eh bien ! oui, j’ai nié cette prétendue impossibilité, pour une suite illimitée de choses quelconques, d’exister comme un tout achevé et simultané, en donnant chaque fois au mot exister la définition spéciale que la nature des termes à unir rendra nécessaire. J’ai cru que pour déterminer la forme d’une infinité existante, ou pour en prouver l’impossibilité là où on la nie, il faut recourir à des arguments tirés de la nature des choses dont on parle et ne pas s’appuyer sur un théorème général qui déciderait uniformément cette question pour des choses quelconques-

En me préparant à défendre ma thèse, je sens vivement les avantages de l’offensive. Je ne sais si je les sentirais moins ou plus encore, si M. Renouvier n’avait publié la traduction que M. Penjon lui a communiquée de quelques passages de mon livre ; car ce sont ces passages mêmes qui m’auraient servi pour répondre à ses attaques. Je ne devrais pas, il est vrai, supposer l’attention du lecteur déjà fatiguée. Mais, puisque ces passages sont publiés en français, j’ose dire qu’il me suffira d’y renvoyer le lecteur et de le prier de juger lui-même. Car, abstraction faite des railleries et des exclamations qui ne prouvent jamais rien, M. Renouvier ne m’a opposé que l’affirmation monotone de ce qu’il appelle un chapitre épuisé pour lui, et quelques critiques fondées sur des malentendus.

Je commence par l’examen de ces lignes de M. Renouvier à la page 72 : « Il ne nous reste donc plus qu’à prendre M. Lotze au point où il tente de serrer la difficulté de près, et où il ne tiendrait qu’à lui de s’assurer de l’impossibilité du concept qu’il s’agit pour lui de former. C’est du nombre infini qu’il parle, comme s’il comprenait bien cette fois que l’infini ne peut être affirmé de l’espace et du temps indéfiniment divisibles que si l’infini peut être affirmé du nombre. » Ce n’est pas du nombre infini que j’ai parlé. Si l’on se reporte à la traduction du passage auquel cette remarque s’applique, on y cherchera vainement un seul mot qui puisse justifier cette allégation ; mais on y trouvera cette phrase : « Si nous continuons la série des nombres par l’addition de l’unité, il est évident que nous ne pouvons

    il ne voudrait lui-même. N’a-t-il pas déclaré en commençant que « l’infinité « ne peut être conçue que comme une succession illimitée, mais non comme « simultanée ? » Eh bien ! voici que maintenant il nous présente la succession illimitée des espaces, selon l’expérience, comme une donnée simultanée de ces mêmes espaces. Ils sont bien certainement discernables les uns des autres, et parcourables, nombrables, mesurables sur l’unité de quelqu’un de ceux qui sont déjà parcourus ; ils sont sans terme, et ils sont donnés ; ils forment donc un nombre infini, une infinité simultanée qu’on avoue être contradictoire ! » (p. 38.)