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La perception consiste à saisir dans la multiplicité des sensations toutes subjectives l’ordre objectif selon lequel elles apparaissent dans l’espace et dans le temps ; de même, l’œuvre de l’entendement est de discerner dans la réalité ce qu’elle a d’intelligible, de découvrir par l’abstraction les idées que la nature réalise dans toutes ses œuvres. Ce qui distingue la notion de la perception c’est qu’elle est intelligible,c’est qu’elle peut être définie, parce qu’elle répond à un type. Ici le langage de M. Vacherot manque parfois de clarté. On dirait qu’il éprouve quelque hésitation à se décider, et on voit se marquer son désir de concilier les théories contraires et de ne laisser échapper aucune vérité ! Il parle d’abord comme un idéaliste. « Bien loin que la notion ne soit qu’une perception abstraite et généralisée, dit-il, c’est par son rapport au concept à priori que toute perception devient notion[1]. » Mais, quand il arrive à faire la part de l’expérience dans la notion, il se retourne vers l’empirisme et se souvient qu’il ne doit se servir que des procédés de la science : « La part rigoureuse de l’entendement dans la notion, c’est la synthèse des données empiriques, laquelle a besoin de matériaux pour se former[2]. » — « La synthèse, rien de moins, rien de plus, tel est l’unique à priori de la notion[3]. » Dégagée de ses incertitudes, la théorie est assez claire. Étant donné le monde, l’esprit élimine les accidents, dégage par abstraction ce qu’il y a d’intelligible ; l’analyse discerne dans l’expérience les éléments de l’idée ; la synthèse coordonne ces éléments et en constitue l’idée, qu’expriment les faits. Prenez la notion de substance ; l’analyse donne les états successifs de l’être, la synthèse l’unité de ces. états successifs dans la notion de substance qui se ramène à celle de puissance et de virtualité. L’esprit est donc une puissance de découvrir dans les choses les éléments intelligibles et de grouper ces éléments dans l’unité de la notion. L’esprit est une activité dont l’unité est la loi. La perception, en saisissant les rapports des sensations, y met une première unité, déjà les ordonne dans l’espace et dans le temps ; l’entendement poursuit cette œuvre et résume ce que les perceptions ont de général et d’immuable des les notions de quantité, de qualité, de substance, de genre et d’espèce, de loi,

  1. T. ii, p. 38 et 29 : « La notion de loi n’est pas réduite à un simple rapport de succession ou de concomitance, dont l’expérience, aidée de l’induction, nous aurait révélé la constance et l’uniformité. Elle implique un autre concept sans lequel l’induction ne serait pas possible, savoir le concept de l’ordre, en vertu duquel l’esprit suppose à priori une certaine dépendance, une certaine connexion entre les phénomènes, que l’expérience vient ensuite confirmer. » M. Vacherot ne semble-t-il pas ici reconnaître l’idée innée de l’ordre comme loi universelle de la nature et de l’esprit.
  2. P. 41.
  3. P. 50.