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j. sully. — le plaisir de la forme visuelle.

serait certainement inférieure à celle de l’œil actuel, capable, comme il l’est, d’impressions simultanées. Elle serait probablement inférieure à la perception de mesure que possède l’oreille. Nous ferons donc bien de traiter du sens visuel de la proportion et de l’égalité des grandeurs, en le rapportant à cet organe plus complexe dont la nature nous a doués en fait. C’est à la considération de ce genre plus élevé de perception que nous allons maintenant passer.

II. — Facteur intellectuel.

En douant notre œil imaginaire d’une rétine étendue qui admet la perception simultanée de relations de forme, nous ne renonçons pas aux expériences élémentaires de mouvement sur lesquelles nous nous sommes d’abord appesantis ; nous les transformons seulement, en quelque sorte. Il y a tout lieu de croire qu’en fait le mouvement entre dans notre perception habituelle même des plus petites formes beaucoup plus qu’on ne le suppose généralement. On peut ajouter que ce que nous appelons une perception simultanée de forme est souvent, comme j’aurai occasion de le montrer tout à l’heure, une suite de perceptions simultanées. Bien plus, on peut maintenant soutenir, avec un degré suffisant de certitude, que même dans la perception de la forme par l’œil en repos les éléments moteurs entrent comme ingrédients essentiels, quelque déguisés qu’ils puissent être.

Je n’ai pas besoin ici d’exposer où de défendre l’hypothèse des signes locaux, émise par Lotze et acceptée avec certaines modifications par Helmholtz et Wundt. Le lecteur doit être suffisamment au courant de la théorie et du genre de preuve dont elle est susceptible. Je n’ai ici qu’à indiquer quelques-unes des conséquences esthétiques de cette hypothèse. Il résulte immédiatement de cette théorie que la perception de la forme par l’œil en repos consiste dans une masse de sentiment moteur représentée idéalement. En d’autres termes, elle se compose d’une quantité de représentations, imparfaitement distinguées, de mouvements dans différentes directions, etc. Et ces sentiments représentatifs sont d’un caractère très varié, puisque nous nous rendons vaguement compte que toute ligne fixe, par exemple, laisse le choix entre deux directions de mouvement et entre un nombre indéfini de vitesses. Maintenant, si nous concevons que les sentiments de mouvement ainsi représentés en masse confuse soient, chacun en particulier, agréables, bien que faibles, il en résultera qu’un pareil état de ce que j’appellerai l’ima-