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À notre avis, ces faits et autres semblables ont une analogie trop lointaine avec la mémoire pour qu’on doive insister. On y trouve la première condition de tout rappel : la conservation ; mais c’est la seule ; car ici la reproduction est tellement passive, tellement dépendante de l’intervention d’un agent étranger, qu’elle ne ressemble pas à la reproduction naturelle de la mémoire. Aussi bien, dans notre sujet, il ne faut jamais perdre de vue que nous avons affaire à des lois vitales, non à des lois physiques, et que les bases de la mémoire doivent être cherchées dans les propriétés de la matière organisée, non ailleurs. Nous verrons plus tard que ceux qui l’oublient font fausse route.

Je n’insisterai pas non plus sur les habitudes du monde végétal, qu’on a comparées à la mémoire : j’ai hâte d’en venir à des faits plus décisifs.

Dans le règne animal, le tissu musculaire nous offre une première ébauche de l’acquisition de propriétés nouvelles, de leur conservation et de leur reproduction automatique. « L’expérience journalière, dit Hering, nous apprend qu’un muscle devient d’autant plus fort qu’il travaille plus souvent. La fibre musculaire, qui d’abord répond faiblement à l’excitation transmise parle nerf moteur, le fait d’autant plus énergiquement qu’il est plus fréquemment excité, en admettant naturellement des pauses et des repos. Après chaque action, il est plus apte à l’action, plus disposé à la répétition du même travail, plus apte à la reproduction du processus organique. Il gagne plus à l’activité qu’à un long repos. Nous avons ici, sous sa forme la plus simple, la plus rapprochée des conditions physiques, cette faculté de reproduction qui se montre sous une forme si complexe dans la substance nerveuse. Et ce qui est bien connu de la substance musculaire se laisse voir plus ou moins dans la substance de » autres organes. Partout se montre un accroissement d’activité, coupée de repos suffisants, un accroissement de puissance dans la fonction des organes[1]. »

Le tissu le plus élevé de l’organisme, le tissu nerveux, présente au plus haut degré cette double propriété de conservation et de reproduction. Nous ne chercherons pas cependant dans la forme la plus simple de son activité, dans le réflexe, le type de la mémoire organique. Le réflexe, en effet, qu’il consiste en une excitation suivie d’une contraction ou de plusieurs contractions, est le résultat d’une disposition anatomique. On pourrait bien soutenir à la vérité, et non sans vraisemblance, que cette disposition anatomique, innée

  1. Hering, Ueber das Gedächtniss als allgemeine Function der organisirten Materie, Vortrag., etc., 2de Auflage. Wien, Gerold’s Sohn. 1876. p. 13.