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NOTES ET DOCUMENTS


DESCARTES STOÏCIEN


CONTRIBUTION À L’HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE

Il est généralement admis parmi les historiens de la philosophie que la philosophie de Descartes est absolument originale et ne doit rien aux systèmes qui l’ont précédée : on sait que Descartes lui-même affectait d’ignorer ce que les autres avaient écrit avant lui et se flattait de ne relever que de lui-même. Si quelques historiens lui ont refusé cette originalité, ou du moins s’ils ne lui ont laissé d’autre mérite que d’avoir introduit une méthode nouvelle, tout en conservant des idées anciennes, ils entendaient que c’est à la philosophie d’Aristote[1], par l’intermédiaire de l’École, ou à celle de saint Augustin[2], que Descartes avait fait des emprunts inconscients. Profondément imbu des principes de ces philosophies, familiarisé dès l’enfance avec leurs manières de concevoir le monde et surtout la divinité, il aurait fait de vains efforts pour se débarrasser d’idées qui avaient laissé dans son esprit une empreinte ineffaçable et l’avaient pour toujours tourné dans une direction qu’il ne lui appartenait plus de changer. Par un autre chemin, il serait revenu au même point ; il serait malgré lui et à son issu le continuateur des devanciers qu’il dédaigne ; on devrait moins l’appeler le premier des modernes que le dernier des scolastiques.

Nous ne nous proposons pas de discuter ici cette question, qu’il serait, croyons-nous, facile de résoudre à l’honneur de Descartes. Mais à quelque degré qu’il ait subi l’influence d’Aristote ou de saint Augustin, il est une autre philosophie dont il nous semble que Descartes s’est inspiré directement dans sa morale et même dans sa métaphysique : nous voulons parler du stoïcisme. C’est un point d’histoire qui offre peut-être quelque intérêt, d’autant plus que cette

  1. Ritter, Histoire de la philosophie moderne, trad. Challemel-Lacour, t. I, ch. I.
  2. Kuno Fischer, Geschichte der neuern Philosophie, B. I, th. I, 11 cap. Mannheim, F. Bassermann, 1865.