Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/597

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
587
périodiques.Philosophische Monatshefte.

termes paraît bien dater de Leibniz. Il prend l’âme et l’esprit dans le même sens, mais seulement lorsqu’il les applique à l’homme. Il identifie l’entendement, l’intellect et l’esprit, sous cette réserve toutefois qu’il refuse l’entendement aux bêtes. En tout cas, il n’admet l’esprit que comme une âme individuelle : la monadologie ne connaît pas l’esprit ou l’âme universelle de la philosophie postérieure. Le mot esprit a pris, dans la langue française du xviiie siècle, une signification nouvelle, qui n’a fait qu’ajouter aux difficultés signalées, et il a souvent désigné une forme particulière de l’intelligence, le goût et le bel esprit. Kant, dans sa satire des songes, des visionnaires, employait le mot esprit dans sa véritable acception, celle que l’étymologie lui assigne ; mais plus tard le commerce des philosophes français lui fit perdre de vue la sage distinction qu’il avait d’abord si fidèlement maintenue. Il s’est toujours défendu pourtant de la confusion, qui domine aujourd’hui, et dont Fichte, Schelling et Hegel sont les auteurs véritablement responsables. Qu’on songe à la trinité de l’esprit subjectif, de l’esprit objectif et de l’esprit absolu ; qu’on se rappelle la phénoménologie de l’esprit de Hegel. Moins on était en état de se faire une idée nette de l’esprit et de son action universelle, plus on en prodiguait à tort et à travers le nom révéré.

J. Baumann : Remarques historiques et critiques sur le concept de fin. Si on lit un livre du siècle précédent où il soit question de la téléologie naturelle, on peut être assuré qu’il conclut à la perfection du monde : la finalité impliquait la perfection, d’après les idées d’alors. Qu’on lise pour s’en convaincre la Métaphysique de Baumgarten ou celle de Meyer. Il en va tout autrement dans notre siècle. Nous voyons se développer sous nos yeux des doctrines, comme celles de Schopenhauer et d’Hartmann, qui soutiennent que le monde obéit à la finalité, et que pourtant il est mauvais. Le concept de fin n’appelle plus nécessairement celui de perfection. Il y a là une révolution qui mérite d’être étudiée. C’est à Kant qu’il en faut faire remonter la responsabilité ; mais elle avait été préparée par les écoles antérieures. Il est intéressant de rechercher quelle était la doctrine leibnizo-wolfienne sur le concept de fin ; quelles modifications Kant lui a fait subir et quels prédécesseurs il a eus dans cette voie ; quelle valeur enfin il convient d’attribuer au changement ainsi réalisé. La pénétrante et érudite dissertation de Baumann résout d’une manière satisfaisante, malgré sa brièveté, ces diverses questions. Le concept de fin, dans l’école leibnizo-wolfienne, n’est autre que celui d’Aristote : 1° La fin est le dernier terme du développement harmonieux des puissances actives de l’être. 2° Ce dernier terme est un bien (βέλτιστον ou ἀγαθὸν). Les deux caractères sont également essentiels à l’idée d’une fin. Aristote trouverait ridicule qu’on fît de la mort le but de la vie : c’est qu’elle n’est pas meilleure que la vie. La comparaison des œuvres de l’art e de celles de la nature lui sert à expliquer sa pensée. La nature comme l’artiste, poursuit la réalisation de son idéal. On retrouve le