Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/607

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
597
périodiques.Revista repubblicana.

métaphysique se préparait, M. Ardigò s’inscrit en faux contre cette assertion et y voit l’effet d’une illusion dont il cherche à déterminer les causes. Voici comment, suivant lui, cette illusion a pu naître :

1° Nous sommes dans une époque de transition. De grands esprits, déjà largement versés dans les sciences de la nature, sont encore cependant en partie livrés aux visions transcendantales : ainsi Hartmann. Mais, à mesure que l’évolution de l’esprit moderne approchera de sa fin, l’existence de tels philosophes deviendra de plus en plus rare.

2° Il ne manque pas dans l’école positiviste de philosophes sans valeur, empressés à se parer de ce nom de positivistes pour étonner les gens et obéir à une mode naissante, véritables gàte-métier (guastamestiere) qui, par leurs hardiesses inconsidérées et l’abus qu’ils font de réminiscences métaphysiques indigestes, offrent aux métaphysiciens l’occasion de faciles victoires.

3° Selon que le positivisme est considéré en divers temps et en divers pays, il offre des aspects quelque peu différents. Ainsi, quelques-uns des philosophes dévoués à ses principes excluent résolument toute recherche qui même de loin se rapporte à l’au delà et semble dépasser si peu que ce soit les limites du phénomène. D’autres au contraire sont plus confiants : « ils poussent la recherche jusqu’aux rapports de lame avec la nature physique et jusqu’aux lois qui, se trouvant communes à l’un et à l’autre, apparaissent bien en effet comme des lois transcendantes par rapport à elles deux, mais sans cesser pour cela d’être purement naturelles et expérimentales, et basées uniquement sur l’observation du fait, — d’être en un mot des lois à posteriori, — et sans qu’elles doivent être prises comme des lois à priori ou établies par déduction à partir de conceptions abstraites, qui seraient des critères absolus, précédant le fait et supérieurs à lui. Il en résulte que dans ce positivisme se trouvent traitées des questions qui auparavant étaient considérées comme exclusivement propres à la vieille métaphysique, et que le positivisme qui suit cette direction spéciale a reçu la dénomination équivoque de positivisme métaphysique. De là l’espérance illusoire de certains philosophes de voir un retour offensif de la métaphysique dans le camp des positivistes, alors que ce mot a pour eux un sens diamétralement opposé au positivisme. »

4° On se trompe encore en regardant un système scientifique comme un tout fermé, dont toutes les parties, en tant que rattachées à un principe absolu unique, sont en nombre défini et gardent un ordre immuable. Tel est le caractère en effet des systèmes métaphysiques ; mais il faut bien reconnaître que ces systèmes prétendus immuables sont en perpétuelle transformation et n’ont qu’une vie éphémère. Le vrai système scientifique est fait de parties destinées à s’unir, mais qui valent par elles-mêmes, indépendamment de leur connexion avec le reste ; il se forme de vérités de fait infiniment petites, péniblement accumulées ; il ne sera jamais achevé. En revanche, il durera autant que l’humanité. Quand donc les métaphysiciens reprochent au positi-