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renouvier. — l’infini actuel est-il contradictoire ?

vénients à nier la réalité de l’espace qu’à supposer les lois de l’esprit démenties par une mystérieuse nature, ou vice versa ; ou elles ne sont point inséparables ; il conviendrait alors de chercher s’il n’existe pas quelque moyen d’attribuer la réalité à l’espace, en un certain sens honnête de ce mot réalité, qui n’entraîne pas la négation des lois de l’entendement.

M. Lotze trouve que les passages de son livre que j’ai reproduits d’après la traduction de M. Penjon contiennent une réfutation anticipée, bien suffisante, de mes critiques. Je me sens (comme tout le monde, hélas !) trop de penchant à de semblables illusions sur ce que j’écris, pour ne pas les excuser chez autrui. Mais mon adversaire place cette observation légèrement avantageuse immédiatement à la suite de l’argument fondamental où il réclame pour l’espace le droit d’être consulté lui-même, en sa propre nature, avant qu’on ose le déclarer incapable d’opérer des synthèses impossibles, et il renvoie le lecteur à ce qu’il a déjà dit et que je n’ai pas craint de citer moi-même dans la Critique philosophique. Cependant j’ai répondu ce qui suit et ce qui ne me semble pas indigne d’être compté par un disciple de Kant, disciple à quelque degré que ce puisse être :

« Si nous savions à priori, ou par quelque révélation infaillible, que l’espace et le temps se comportent comme le dit M. Lotze et viennent à bout d’une tâche qui ne réussit pas à notre faculté représentative, alors ce serait notre devoir de régler notre opinion sur le fait et non le fait sur notre opinion ; mais si l’espace et le temps ne nous sont pas connus en dehors de notre intuition et de l’expérience des phénomènes relatifs soumis aux formes et conditions de notre sensibilité, — ainsi que c’est le cas, — alors nous ne pouvons plus nous fier qu’à l’épreuve de ce qui réussit ou non à la faculté représentative ; et non seulement notre devoir n’est pas d’essayer de dépasser cette faculté, mais nous n’avons même pas le droit de franchir les limites de l’entendement ou des relations qui sont seules intelligibles pour nous. Dire avec M. Lotze que « l’infinité du temps n’est pas contradictoire en elle-même » c’est parler comme si l’on connaissait cette infinité en elle-même, ce qui assurément n’est pas et même n’a pas de sens. Accorder, au contraire, et on y est bien forcé, que nous ne connaissons rien de plus que la puissance qui est en nous d’augmenter ou diminuer indéfiniment par la pensée la grandeur des rapports d’étendue et de durée qui se définissent dans l’enceinte de nos représentations de position et de succession des choses, accorder cela, c’est nécessairement formuler la question de l’infini en ces termes : Le caractère indéfini du pouvoir de l’imagination et des possibilités de perception nous autorise-t-il à affirmer l’infinité