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ANALYSES. — t. mamiani.La religione dell’avvenire.

affecte de rejeter dans le domaine de l’inconnaissable tout ce qui dépasse la science proprement dite. Le mot est impropre : cela n’est pas proprement inconnaissable, dont on peut démontrer l’existence, si vague que soit la notion qu’on en prend ainsi. Puisqu’il y a un au delà, nous avons le droit de chercher à nous en faire une idée aussi approchée que possible, et c’est là l’office propre de la religion. Il n’y a donc pas d’antithèse réelle entre cette dernière et la science moderne, qui n’a point, comme on voudrait nous le faire croire, annihilé tout le passé de l’esprit.

La religion une fois posée comme ayant droit à l’existence, nous sommes amenés à rechercher quel en est l’objet. L’objet propre de la religion, c’est l’absolu. Comment la réalité de l’absolu nous est-elle démontrée ? Il y a plusieurs manières de s’élever à Dieu ; M. Mamiani préfère la plus simple, la plus accessible, la plus indéniable, celle qui nous est fournie par le sens commun, non par le raisonnement métaphysique ni par l’extase mystique : c’est la connaissance des vérités éternelles, dont la première et la plus immédiate est l’axiome d’identité.

Toute vérité, étant une idée, doit être consubstantielle à une intelligence qui lui prête ses caractères. Or les axiomes sont universels, nécessaires, éternels, en un mot absolus. Il faut donc y voir les expressions diverses et abstraites d’un esprit absolu, concret et unique, qui doit en outre avoir réglé toutes les existences, puisqu’il reste la règle de toutes les essences, c’est-à-dire d’un Créateur.

Cette démonstration n’est autre que la preuve dite des vérités premières, que nous trouvons déjà dans les ouvrages de MM. Cousin et J. Simon. M. Mamiani déclare s’y reposer en toute sérénité et défier de là tout l’effort de l’hypercriticisme. Peut-être suffirait-il, pour en ébranler l’apparente certitude, de remarquer que, le principe de contradiction étant une loi subjective de notre entendement, il n’y a pas lieu d’en tirer argument pour affirmer l’existence absolue d’une essence qui est nécessairement conçue comme indépendante dudit entendement. Mais l’idéalisme objectif de M. Mamiani s’accommoderait mal de cette objection ; si on lui opposait Hume et Kant, il alléguerait Platon et Descartes. La discussion de tous les problèmes que soulève son livre nous entraînerait d’ailleurs à remettre en question toute la logique et toute la métaphysique, ce qui serait d’une mauvaise méthode. J’en reviens à l’exposition pure et simple.

La divinité que nous a révélée la considération des vérités absolues est nécessairement une Providence. Comment aurait-elle créé l’être pour ne plus s’en soucier ? Le plus simple examen du monde physique suffit du reste à nous convaincre de la présence d’une cause organisatrice et souveraine. Le seul argument que M. Mamiani découvre contre la théorie des causes finales est l’existence du mal. Encore en donne-t-il une explication, renouvelée de Leibniz, qui paraît plutôt du domaine de la théologie que de la philosophie pure. Le mal est la condition de l’existence finie ; et d’ailleurs il n’y a point de mal absolu, car