Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome IX, 1880.djvu/707

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
697
ANALYSES. — carl vogt.Zur Physiologie der Schrift.

sens (le plus souvent cependant de droite à gauche[1]). A-t-elle pour les peuples modernes une raison physiologique ? M. Vogt répond par la négative.

Afin d’expliquer la direction verticale de l’écriture chinoise-japonaise, il remarque que les Chinois et les Japonais n’écrivent pas, mais peignent ; il insiste sur la direction verticale des poteaux couverts d’écriture, sur cette particularité que les peintres peignent toujours de haut en bas, sur l’espace laissé libre par le déroulement du papier, etc., etc. : toutes choses qui, par malheur, comme l’auteur l’a remarqué le premier, n’expliquent pas le tracé des colonnes de droite à gauche.

Dans ses considérations sur l’écriture sémitique, M. Vogt a été guidé par deux savants bien connus à des titres divers, par M. Segond et par M. Oltramare. Dans les habitudes sémitiques, le papier, dit-il, est poussé au loin de gauche à droite à côté de la main droite ; aussi les caractères s’ordonnent-ils naturellement de droite à gauche. Mais évidemment ce n’est pas là une raison suffisante.

Pour le Dr Erlenmeyer, les Sémites ont écrit d’abord naturellement avec la main gauche ; puis ils ont transformé la direction naturelle pour la main gauche en un sens contraire à la nature par la substitution de la droite à la gauche. Mais, comme M. Vogt le fait observer, cette hypothèse est inconciliable avec les caractères d’impiété que les Sémites, dès les premiers temps et d’accord en ce sentiment avec tous les peuples, ont attribués à la main gauche.

Cette idée du Dr Erlenmeyer implique en outre que la direction de notre écriture est une nécessité physiologique absolue. Or M. Vogt trouve la preuve du contraire dans un ouvrage de Waitz. Waitz cite le fait d’un peuple sémitique adoptant une écriture syllabique, puis changeant l’ordre des caractères pour la disposition de droite à gauche, quoique l’inventeur ait introduit la direction contraire. Ajoutons : non seulement ce fait prouve que la direction de notre écriture n’est pas une nécessité physiologique pour les peuples sémitiques, mais ce retour des Sémites au sens ordinaire de leur écriture semble prouver chez eux l’existence d’une nécessité physiologique contraire.

M. Vogt insiste enfin sur une autre habitude sémitique. Pour écrire, c’est-à-dire pour accomplir une action sainte, le Sémite de l’antiquité devait se tourner vers l’est ; la lumière lui vient du sud, c’est-à-dire de droite ; il écrit donc nécessairement de droite à gauche dans le sens de Voy. l’Essai sur le déchiffrement des écritures calculiformes, de M. H. de Charencey.la lumière, du papier enroulé vers le papier déroulé. Nous n’insisterons ni sur la subtilité de cette hypothèse qui n’est pas nouvelle[2], ni sur les hypothèses parallèles, que l’auteur développe d’ailleurs avec toute la timidité qu’on devait attendre de son tempérament scientifique.

Dans la direction de l’écriture, c’est-à-dire dans les tendances per-

  1. On pourrait dire toujours de droite à gauche, car la direction contraire s’explique sur tous les monuments par des raisons architectoniques.
  2. Voy. l’Essai sur le déchiffrement des écritures calculiformes, de M. H. de Charencey.