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insensible aussi correctement qu’un scripteur normal. Ces sujets sont, croyons-nous, en majorité. Le fait que nous signalons est connu depuis longtemps, mais il n’a pas été bien interprété. Ainsi, M. Richet dit : « Les hystériques ne perdent que rarement le sens musculaire, et alors que toutes les autres sensibilités tactiles ou affectives sont abolies, elles ont conservé la faculté de coudre, de tricoter, d’écrire, mouvements qui exigent des sensations très parfaites et très complexes. L’observation est juste, mais mal interprétée. L’erreur d’interprétation, qui a été bien souvent reproduite, est de confondre deux choses, la sensibilité musculaire ou kinesthétique et le pouvoir de coordination des mouvements. Il n’existe véritablement qu’un seul moyen de connaître l’état de la sensibilité musculaire ou kinesthétique, c’est de rechercher si le sujet conserve, les yeux fermés, la conscience des mouvements passifs. Or, comme nous venons de le dire, beaucoup d’hystériques qui ont perdu totalement la conscience des mouvements passifs conservent le pouvoir de coordination volontaire.

Un certain nombre d’autres malades, moins nombreux, d’après mes observations, sont réduits par la fermeture des yeux à une impuissance motrice presque complète ; les uns, malgré les plus vives sollicitations, ne parviennent pas à tirer la langue, ou à se lever de la chaise où ils sont assis, ou à ramener en avant la main placée derrière leur dos ; d’autres, qui forment la transition, n’exécutent les mouvements qu’avec une extrême lenteur ; il leur faut plusieurs secondes pour fermer le poing, et encore n’arrivent-ils pas à cacher leurs ongles dans la paume de leur main. Ils ne peuvent tenir un objet les yeux fermés ; s’ils sont surpris par la nuit sur une chaise, ils sont incapables de se lever et de faire un mouvement ; ils sont atteints d’une sorte de paralysie nocturne qui s’efface avec le retour de la lumière.

Les auteurs qui ont écrit jusqu’ici sur le sens musculaire ont réuni curieusement toutes les observations connues, celles de Demeaux, de Duchenne de Boulogne, de Briquet, de Lasègue, etc., où il est question de sujets hystériques que la fermeture des yeux prive de toute faculté motrice dans leurs membres insensibles. Mais, en faisant des observations sur une vaste échelle, on constate ces phénomènes et d’autres analogues sur des sujets si nombreux que je me dispense de rapporter ici les observations des anciens auteurs ; ces observations ne sont rien moins que des curiosités pathologiques.

Il reste à voir si l’on a réussi à opérer une conciliation entre les faits si différents que l’on observe chez les deux groupes d’hystériques anesthésiques, après la fermeture des yeux. Parmi les physio-