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PAULHAN.l’associationnisme et la synthèse psychique

est fréquemment distrait, c’est-à-dire quand les tendances dominantes viennent à se modifier, et que cela montre à mon sens l’importance de ces tendances et nous permet de soutenir que c’est par elles que se fait l’association qui est bien en réalité une association par système et non une association par contiguïté.

Mais la cénesthésie considérée simplement comme la conscience vague déterminée par l’état des organes du corps, a aussi une grande importance. Il est d’autant plus permis de croire que le système organique dont la cénesthésie est l’expression psychique joue un rôle dans l’association des états de conscience, que nous voyons ces associations être sous la dépendance de l’état de ce système. Tel est par exemple l’effet de certains troubles organiques dans les rêves[1], de certaines maladies sur les sentiments. Je reviendrai sur ce point dans la partie positive de cette étude. Il me suffit ici de signaler la conclusion qui me semble la bonne.

Mais ce n’est pas tout, et nous trouvons généralement un autre élément même dans les cas où la contiguïté paraît seule en jeu. Il suffit que l’on se propose d’apprendre une série de noms pour que forcément ces noms fassent partie du résultat à atteindre et soient réunis entre eux par une loi de finalité existant dans l’esprit qui les reçoit, ce qui, grâce à la nature systématisée de l’esprit, est déjà une cause d’association. Ainsi, on retient mieux quand le désir de retenir est plus fort et l’attention plus considérable, toutes conditions qui impliquent une plus grande quantité de systématisation psychique.

Quelquefois, il est vrai, l’association se produit involontairement ; alors cette dernière cause d’association disparaît, mais la première demeure, et pour les raisons que j’ai dites, je la crois suffisante.

Reste à expliquer l’association par contiguïté simultanée. Ici nous pouvons encore trouver des explications de même nature. Quand deux perceptions, deux sentiments, deux phénomènes quelconques ont été présents à la fois à la conscience, si l’un d’eux par la suite réveille l’autre, c’est qu’ils ont été associés au même système d’impressions, de sentiments, etc., à la même cénesthésie. C’est donc encore une association systématique dans le genre de celles que nous avons examinées déjà. Il me paraît bien en effet que c’est dans ces conditions seulement que l’association des idées peut s’effectuer. L’association est d’autant mieux établie en général que la systéma-

  1. J’ai résumé cette question de l’oubli et de la mémoire dans leurs rapports avec la systématisation à propos des variations de la personnalité dans mon article sur les Variations de la personnalité à l’état normal (Revue philosophique, 1882).