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société de psychologie physiologique

encore en possession de tous ses moyens d’action, de contrôle, de raisonnement.

Il est beaucoup de conditions qui empêchent la réalisation d’un acte suggéré, le somnambule n’est pas toujours une machine, un automate. — Si, pendant le sommeil hypnotique, la volonté est réduite au minimum, il peut arriver cependant que l’hypnotisé raisonne, qu’il refuse d’obéir, qu’il a encore une volonté, une initiative personnelle, une résistance que, malgré tous les moyens employés, on ne peut arriver à vaincre.

On peut supposer le cas où le somnambule n’a pu se soustraire à l’impulsion que lui a donnée l’hypnotiseur ; il a été poussé par une force irrésistible, la fatalité.

Et alors comme la défense aura été faite de se souvenir des circonstances du crime et du nom du complice, la justice peut se trouver en face du problème le plus inextricable qu’on puisse imaginer. — Si le médecin légiste suppose que l’accusé est un somnambule susceptible d’avoir subi une suggestion, il l’endort et lui demande les détails du fait, mais la défense de se souvenir empêche toute révélation. Le sujet endormi est assailli par la pensée qu’il ne doit pas se souvenir et on échoue le plus souvent.

II résulte d’expériences assez nombreuses que j’ai entreprises depuis plusieurs mois, qu’il existe un moyen de découvrir le secret. Si, au lieu d’endormir le sujet et de lui demander ce qui s’est passé, on lui apprend à s’endormir lui-même, dans le but de retrouver tous ses souvenirs, il arrive que la mémoire s’ouvre et que le patient parle parce qu’il se rappelle.

Voici une expérience entre plusieurs autres, qui va donner une notion de ce qui se passe.

Le sieur Auch…, ouvrier à l’Arsenal, a été endormi plusieurs fois dans le but de faire disparaître une névralgie faciale qui avait résisté à toutes les médications. Pour provoquer le sommeil, j’applique la main droite sur le front, et je fais la suggestion de dormir. La névralgie céda rapidement. Toutefois de temps à autre, des douleurs survenaient et le sujet, habitué à être soulagé instantanément par le sommeil, était impatient de me voir arriver. Pour obvier à cet inconvénient, j’eus l’idée, comme je l’avais déjà fait dans un autre cas, de lui apprendre à s’endormir lui-même. Je lui fis le commandement suivant : « Quand vous souffrirez, vous vous endormirez vous-même pour vous soulager. Vous appliquerez votre main sur le front avec l’idée de dormir. Dès que vous serez endormi, votre main se détachera du front et tombera naturellement le long du corps. Vous dormirez le temps que vous aurez fixé à l’avance et vous serez soulagé. »

En effet, le sommeil était facilement obtenu et le malade calmait lui-même ses douleurs.

Je pensai à utiliser l’auto-suggestion en médecine légale, et les résultats obtenus dépassèrent mes prévisions.