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l’emploi que nous allons faire du terme inconscience ne saurait rien préjuger de l’explication des phénomènes en cause.

Étudions maintenant les phénomènes, rien que les phénomènes.

Ce qui fait l’intérêt de ces recherches, c’est la simplicité des conditions qu’il faut réunir pour que les mouvements inconscients se produisent. En effet, il n’y a pour ainsi dire pas à décrire le dispositif de l’expérience ; c’est moins une expérience qu’une observation pure et simple. Le malade est étudié, non seulement à l’état de veille, mais à l’état de repos ; il n’est soumis à aucune suggestion préalable, à aucune manœuvre hypnotique. L’expérimentateur se contente d’examiner ce qui se passe dans le membre anesthésique du sujet, à l’insu et hors de la vue de ce dernier, lorsqu’on détermine dans ce membre un mouvement passif, un réflexe, une contraction, ou lorsqu’on place dans la main anesthésique un objet connu du malade, comme un crayon ou un dynamomètre. Les phénomènes qui se présentent dans ces conditions sont bien réellement des symptômes hystériques, naturels et spontanés, préexistant à toute expérience, et comparables à l’anesthésie, à l’amyosthénie, à l’hyperexcitabilité neuro-musculaire et aux autres stigmates permanents de l’hystérie. On peut même dire qu’ils se rattachent étroitement à l’anesthésie, et qu’ils en font partie intégrante.

Nos observations ne demeurent point isolées. On sait aujourd’hui que des faits analogues ont été observés en grand nombre par M. Pierre Janet[1] d’abord, dont plusieurs observations sont antérieures aux nôtres, et ensuite, tout récemment, par M. Liégeois[2]. Ces deux auteurs ont employé des méthodes qui diffèrent absolument des nôtres ; mais les résultats sont concordants. Il faut ajouter que nous devons à M. Pierre Janet une théorie assez complète de la dissociation et du dédoublement de la personnalité ; cet auteur préfère résolument cette hypothèse à celle de l’inconscience.

II

La première question que je me suis posée a été de savoir quel est le degré de fréquence représenté par les phénomènes moteurs d’inconscience chez les hystériques. Dans nos premières recherches, nous avons rencontré ces phénomènes chez sept malades sur seize, c’est-à-dire dans la moitié des cas. Cette proportion est considérable.

  1. Rev. phil., décembre 1886, mai 1887, mars 1888.
  2. Revue de l’hypnotisme, 1888.