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un état moteur particulier ; notion fort importante que la psychologie contemporaine a largement contribué à mettre en lumière.

Pour le moment, nous attirerons principalement l’attention sur ce fait que c’est une représentation mentale consciente qui détermine le mouvement inconscient. Supposons par exemple qu’on demande au sujet quel est son âge ; au moment où il répond : dix-huit ans, et même quelques secondes avant qu’il réponde, la plume qu’on a eu soin de glisser entre l’index et le pouce de sa main anesthésique, fait la même réponse écrite. Le sujet a la représentation consciente de son âge, il n’a pas la conscience de ce qu’il écrit.

Le processus psycho-moteur qui se produit est conscient dans sa première moitié, inconscient dans la seconde. Le fait est fort intéressant, et nous allons voir tout à l’heure quelle conclusion on peut en tirer.

Essayons de fixer exactement le point où l’acte cesse d’être conscient et, pour cela, faisons une analyse sommaire de cet acte. Le sujet pense à son âge, ou au nom d’une personne, ou à un fait quelconque, mais il ne songe pas à les écrire, et il ne sait pas qu’il les écrit. Ce qui appartient à sa conscience, c’est la représentation mentale de la personne ou de la chose, et rien de plus ; à cette représentation vient s’ajouter une image motrice graphique, qui détermine le mouvement de la main ; mais cette image motrice graphique est inconsciente. Au reste la mémoire musculaire est inconsciente comme la sensibilité musculaire dans toute l’étendue du membre anesthésique.

On voit tout de suite ce qu’il y a d’intéressant et en même temps d’obscur dans une combinaison pareille de l’activité consciente et de l’activité automatique. Ajoutons que cette combinaison est plus complexe encore qu’elle ne le paraît de prime abord. D’après notre description précédente, il semble que le processus du phénomène est formé par une série d’images qui s’évoquent régulièrement dans un certain ordre, la représentation mentale de l’objet suggérant l’image graphique, et l’image graphique déterminant à son tour le mouvement de la main. Il n’en est rien. Cette description n’est qu’un schéma superficiel. La réalité est que la main anesthésique ne commence à écrire les idées du sujet que si on lui donne l’attitude nécessaire pour écrire, et si on met une plume entre les doigts. C’est du moins ce que nous observons chez plusieurs sujets. Tant que la main ne reçoit pas l’attitude nécessaire pour écrire, elle reste immobile, ou exécute des mouvements vagues, indéterminés, faciles à distinguer d’un mouvement graphique véritable. Ainsi, l’image graphique inconsciente qui s’ajoute à la représentation mentale du sujet