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BINET. — sur les altérations de la conscience

sujet est parvenu, après quelque hésitation, à se représenter l’attitude de son membre anesthésique, il ne peut pas modifier sa représentation tant que l’opérateur n’intervient pas pour modifier l’attitude du membre. Quand le poing est fermé, en contracture, le sujet est incapable de se représenter sa main ouverte. Il y aurait lieu de rechercher si, dans les contractures spontanées des hystériques, il se produit un trouble analogue de l’idéation.

VII

Dans une étude comme celle-ci, qui est avant tout psychologique, nous ne devons pas seulement enregistrer les faits objectifs, mais chercher à pénétrer dans la conscience du sujet et dans l’intimité du phénomène.

Nous avons essayé d’expliquer sommairement la perception visuelle d’une sensation tactile chez l’hystérique anesthésique, en comparant ce phénomène au processus d’une perception normale. La comparaison n’est vraie qu’en gros. Il n’est pas tout à fait exact de dire que chez l’hystérique la sensation du toucher suggère l’image visuelle comme elle le fait chez un sujet normal, avec cette seule différence que la sensation suggestive est consciente dans un cas et inconsciente dans l’autre.

Cette explication, fondée sur le mécanisme de l’association des idées, nous paraît trop simple ; on peut s’en convaincre en étudiant de près, et pour ainsi dire à la loupe, certains détails des phénomènes.

En premier lieu, il est à noter que, pour que le sujet perçoive sous forme visuelle les excitations cutanées d’une région anesthésique, il n’est point nécessaire qu’il soit attentif à l’expérience, épiant les moindres sensations et les plus faibles idées. On peut impunément le distraire, par exemple en lui faisant réciter des chiffres ou des vers à haute voix pendant qu’on fait à sa main anesthésique une série de piqûres ; la perception du nombre des piqûres n’en est pas moins exacte.

Dans ce cas, le malade, interrogé avec soin, répond qu’il n’a pas eu l’idée de penser à un nombre avant l’invitation que lui adresse l’expérimentateur ; il n’a pas conscience d’avoir compté les excitations, au fur et à mesure qu’elles se produisaient. La personnalité consciente du sujet ne perçoit pas individuellement chaque excitation, mais seulement le total. L’addition des sensations tactiles est une opération inconsciente dont le sujet ne connaît que le