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Reste la première hypothèse, celle de la double conscience. Nous croyons nécessaire de ne pas la rendre solidaire de la seconde, et de ne pas subordonner la double conscience à la dissociation. Il est possible que le dédoublement de la conscience soit lié à d’autres conditions, que nous ne connaissons pas, et que l’anesthésie hystérique, réalisant ces conditions, s’explique par un phénomène de dédoublement. Mais nous ne voulons pas prendre parti sur cette question, pour la solution de laquelle les éléments font encore défaut.

Les conclusions précédentes ont un caractère purement négatif. Nous finirons sur une conclusion positive, qui concerne le siège de la lésion produisant l’anesthésie hystérique. Notre double série d’expériences sur les mouvements d’adaptation produits par les sensations inconscientes, et sur la perception consciente sous forme d’idées desdites sensations, peut servir à montrer que l’anesthésie hystérique n’est pas produite par une lésion des conducteurs, ni même, comme M. Pitres[1] l’a soutenu, par une lésion des ganglions basilaires du cerveau ; car, pour qu’une excitation périphérique puisse provoquer non seulement des mouvements, mais des idées, il faut qu’elle puisse atteindre les centres où s’élaborent les idées, c’est-à-dire les centres les plus élevés, les plus complexes de l’encéphale. La lésion, de quelque ordre qu’elle soit, qui produit l’anesthésie hystérique, doit avoir son siège dans la couche corticale. Cette opinion est soutenue depuis bien longtemps déjà par M. le professeur Charcot, dans son enseignement de la Salpêtrière. On voit quelle confirmation éclatante les expériences viennent donner à l’opinion de l’éminent professeur.

Alfred Binet.

  1. Des anesthésies hystériques (Bordeaux, 1887).