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EVELLIN. — la pensée et le réel

activité primordiale et essentielle, cette force d’être qui fonde l’existence. Il ne peut donc plus être qu’un obstacle. Isolé par nature, il devient isolant par position.

En vain nous priera-t-on, cette fois encore, de fermer les yeux et de ne pas introduire, sous prétexte d’explication, la loi d’intelligibilité dans la définition du mot rapport. Force nous est de répondre qu’une doctrine, lorsqu’elle se pose, doit avoir une signification précise, et que le moins qu’on puisse faire est de donner aux termes dont on se sert un sens concevable. Pour nos adversaires comme pour nous, l’intelligibilité, sous sa forme la plus générale, est de nécessité absolue. Systématiquement écartée, elle se retournerait contre eux et leur défendrait de dire un mot. — Intelligibilité et causalité, observera-t-on, ne sont pas termes identiques. — D’accord. Mais, allons-nous donc chercher au delà de l’idée de rapport l’action destinée à l’expliquer ? L’action, selon nous, est le fond même et la substance de l’idée qu’on exprime quand on parle de rapport. S’il y a rapport entre deux phénomènes, c’est qu’ils se rapportent l’un à l’autre, et, s’il en est ainsi, c’est qu’ils n’ont pas l’absolue inertie qu’on leur prêtait. On va peut-être distinguer le rapport une fois produit et posé du rapport en voie de production, mais, si on le fait, on oublie qu’aucun rapport n’est possible, dans la durée où il apparaît, qu’à la condition de se produire à chaque instant, et qu’alors ce qu’on appelle état n’est plus à chaque instant que l’action qui se réalise.

Faisons une suprême concession. Le rapport est purement adynamique. Par quel changement à vue explique-t-on que les deux termes, isolés d’abord, soient liés ensuite ? Si leur essence est d’être isolés, ils le seront toujours, car le temps est inerte et n’entre pas comme donnée dans le problème. On ne prétendra pas, sans doute, qu’au moment où s’est posé le second terme, la dualité aussi s’est posée, et que l’idée d’une dualité enveloppe déjà l’idée de rapport. Il serait aisé de répondre que, multiple dans sa matière, une dans sa forme, la dualité n’a pu commencer d’être que lorsque, entre des termes sans lien, une raison d’unité s’est produite, et que cette raison reste toujours à expliquer. Le terme que nous appelons second vient de se poser, mais non comme second, puisque pour lui-même il est seul encore dans l’existence. Il n’a droit au rang qu’on lui donne que s’il est déjà entré de quelque façon en relation avec le premier, seul aussi et au même sens. Mais c’est précisément cette relation qui est impossible, et qu’on ne supposera pas, eu égard à la nature du phénomène, sans violer le principe de contradiction.

On peut remarquer que, dans la doctrine que nous critiquons, les