Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
285
ANALYSES.e. beaussire. Les Principes du Droit.

ment sur la voie de renseignements complémentaires[1]. Cette abondance de matières est enfermée dans des formules presque toujours heureuses. M. Boirac rencontre sans peine le mot propre et le mot ne va pas sans la pensée. Par exemple, l’utilitarisme qualitatif de Stuart Mill n’est-il pas aussi bien compris que nommé quand il nous est représenté comme « un dilettantisme moral » (p. 333) ? Il y a d’ailleurs dans l’ouvrage nombre de paragraphes où les élèves trouveront une pensée très profitable. Par exemple, p. 397 et 398, les droits de notre raison sont défendus avec vigueur contre l’hypothèse, assez à la mode et dès lors trop souvent admise sans nouvel examen, e je ne sais quelle connaissance qui différerait radicalement de la nôtre. Sur le nominalisme et les universaux (p. 91), M. Boirac s’exprime de manière à faire sentir tout le sérieux de la question traitée. Il présente le droit de propriété (p. 384) avec toutes les limitations sur lesquelles il est bon de réfléchir. Enfin certains passages plus longs nous ont paru être des modèles à peu près parfaits de discussion. Telles sont, par exemple, la critique de la morale utilitaire (p. 330-334) et la réfutation du relativisme criticiste (p. 403-407), c’est-à-dire du kantisme orthodoxe. L’élève qui sera parvenu à saisir la marche d’une pareille discussion (et l’auteur a su la rendre saisissable) sera désormais en état de composer un devoir.

Voilà des mérites fort sérieux. Peut-être paraîtront-ils à d’autres plus que suffisants pour compenser le manque d’une rigueur systématique que nous ne pouvons, quant à nous, nous empêcher de regretter. Évidemment M. Boirac a pensé qu’il n’en fallait mettre qu’avec mesure dans un livre destiné à de jeunes esprits. Il s’est dit, par exemple, que les voies du programme officiel ne doivent pas être quittées de trop loin sous peine de dérouter les élèves et voilà pourquoi il laisse à la fin de sa psychologie, sous le nom de psychologie appliquée qui ne convient peut-être pas très bien à plusieurs d’entre elles, les questions des signes et du langage, du beau et de l’art, des rapports du physique et du moral, des ressemblances et des différences de l’homme et de l’animal (p. 166), questions que, pour la plupart, le Programme indique en effet, et d’un bloc, après celles dont se composait l’objet traditionnel du psychologue. Nous aurions voulu voir chacun de ces points traité à sa vraie place. L’ordre le plus rationnel est encore le meilleur, même au point de vue de l’enseignement et surtout quand on n’a pas affaire à des enfants. Sans doute il faut un effort pour saisir l’enchaînement d’une multiplicité de notions : mais cet effort d’intelligence économise bien des efforts de mémoire dans l’avenir, outre le bénéfice qu’on a d’avoir pensé. Nous aurions donc mieux aimé le livre de M. Boirac si l’auteur n’avait pas craint d’y faire régner plus visiblement et plus hardiment d’un bout à l’autre cet esprit leibnizien dont

  1. On voudrait toutefois que les passages à lire fussent plus souvent indiqués avec précision.