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ANALYSES.carrau. Philosophie religieuse en Angleterre.

intime de la sorte, cette profession de foi prenait un intérêt plus pénétrant.

N’insistons pas davantage sur l’œuvre de l’historien : il suffît de répéter que, sous les réserves qu’on vient de faire, réserves qui d’ailleurs portent sur le sujet même tel qu’il est conçu, non sur la manière dont il est traité, cette œuvre nous semble irréprochable et des plus instructives. À propos de Berkeley, de Hume, de Hamilton tout connus qu’ils sont, elle met en lumière des points de doctrine peu connus ou en rectifie de mal compris. Par exemple il semble bien que le principe de la relativité de la connaissance ait été détourné, par ceux qui l’ont emprunté à Hamilton, du sens qu’il a dans ce philosophe. M. Carrau l’établit à la charge de Stuart Mill avec l’appui du secrétaire de Hamilton, M. John Weitch, qui, pour traiter un peu cavalièrement l’auteur de la Logique, n’en paraît pas moins un témoin irrécusable. On n’analyse pas des analyses. Après avoir constaté que celles de M. Carrau, lumineuses autant que savantes, méritent une confiance absolue, disons un mot de l’esprit qui anime sa critique et lui dicte sa conclusion.

II. — Le tempérament de M. Carrau est dogmatique avant tout, dogmatique avec une modération et une souplesse qui sont loin d’exclure la fermeté. Il s’ensuit d’abord que la critique négative n’est pas son fait. Sa méthode est essentiellement conciliante et compréhensive. Il n’élimine d’un système ce qui lui paraît inacceptable que pour en dégager mieux ce qu’il lui semble possible d’en conserver, plus heureux visiblement quand il peut recueillir dans les doctrines mêmes qu’il repousse des parcelles de vérité, qu’il fait siennes en les mettant au point, que lorsqu’il démasque un paralogisme ou réfute une erreur. Ce n’est pas lui qu’on verra abuser de l’argument ad hominem, triompher d’un système en le mettant en contradiction avec lui-même. « Quel est, dit-il, avec autant de finesse que de bonne humeur, le philosophe qui ne s’est pas un peu contredit ? Prenons un penseur pour ce qu’il est, pour ce qu’il s’est donné lui même ; soyons économes de cette logique à outrance qui met en guerre les uns avec les autres les membres d’un système, cherchons avec bienveillance les liens parfois obscurs qui rattachent les différentes doctrines d’une même philosophie, et nous verrons que les contradictions sont plus rares et moins graves qu’une critique trop aiguë ne voudrait le faire croire. » Ce n’est pas qu’il dispense de logique les doctrines qui lui agréent. Il raisonne très serré avec les raisonneurs, aussi exigeant pour ceux qui abondent dans son sens et dont il croit devoir renforcer l’argumentation que pour ceux dont il se sépare décidément.

Ce que je me permettrai de lui reprocher, c’est précisément de donner un peu trop, pour son compte, dans les discussions scolastiques, de paraître trop croire en la vertu de la raison raisonnante pour asseoir une conviction religieuse, quand mieux que personne, au fond, il en sent l’impuissance et la vanité. Après avoir suivi autant qu’il