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BINET.la vision mentale

toire est produite par la superposition de l’image visuelle produite par excitation périphérique ; en effet, quand on a donné l’hallucination d’un oiseau, par exemple, une piqûre de la peau produit une petite tache blanche ou grise sur l’oiseau, une ligne tracée donne également une ligne, etc. On ne peut expliquer cela, ce me semble, que par la superposition, sur l’image hallucinatoire, d’une image visuelle qui a la forme de l’excitation cutanée. Je crois donc qu’on peut, pour étudier les phénomènes visuels, soit occuper le sujet à lire, soit lui donner une hallucination visuelle ; les deux expériences présentent le même avantage.

On comprend que, si l’attention du sujet est attirée dans un autre champ sensoriel que celui de la vue, les images relatives à ce champ seront celles qui se présenteront à la conscience du sujet. En voici un exemple relatif aux sensations et images kinesthétiques. Nous avons observé, M. Féré et moi, qu’une contraction faradique produite dans une moitié du corps se transfère, chez beaucoup de sujets, dans les muscles de la région symétrique[1]. M. Féré a fait à ce sujet l’observation judicieuse que l’hystérique, qui a conscience des mouvements se produisant dans son membre sensible, peut arriver, en étudiant ces mouvements, à compter le nombre des excitations faites sur le membre anesthésique. Ce fait est exact. Mais il faut bien remarquer que l’hystérique a dans nos expériences la perception visuelle, non seulement du nombre des excitations, mais encore de leur forme, que, par exemple, il se représente le dessin en relief d’un objet qu’on applique sur sa peau et peut reproduire ce dessin. Il y aurait lieu de rechercher si les mouvements qui peuvent se produire dans le membre sensible à la suite de cette application suffiraient pour apprendre au sujet que le dessin en relief représente un animal ou une fleur, si, en d’autres termes, les sensations musculaires peuvent contenir autant de détails précis que les images visuelles produites par irritation périphérique.

Quoi qu’il en soit, voici le point où je veux en venir. Quand on fait des excitations sur une région anesthésique, et que la malade choisit un chiffre égal au nombre des excitations, ce chiffre a généralement la forme d’une représentation visuelle. Mais si, par hasard, on attire l’attention du sujet sur les mouvements qui se produisent dans son membre sensible, comme je l’ai fait récemment, c’est par les mouvements que le sujet comptera les excitations, et il n’aura plus d’images visuelles. Cette contre-épreuve ne prouve pas du tout que les images visuelles n’existent pas ; elle prouve, comme nous l’avons dit maintes

  1. Arch, de physiologie, oct. 1887.