Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/358

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
348
revue philosophique

où on l’excite ; mais cette image visuelle n’est point rapportée à la périphérie et localisée dans la région du corps qu’on soumet à l’excitation.

Si on applique sur la peau insensible des lettres en relief ou un objet en relief, la forme de ces objets peut être dessinée sur l’écran. Si l’on passe la main sur une surface anesthésique, en produisant une excitation légère et générale, le sujet voit sur l’écran une grande masse claire ou sombre, que quelques malades n’arrivent pas à définir, mais que d’autres reconnaissent pour représenter la région excitée par l’expérimentateur. De même, un choc brusque produit une impression visuelle diffuse.

Nous avons cru intéressant de rechercher si les changements de position donnés au membre sur lequel on trace des lignes avec le compas modifient la direction des lignes visuelles perçues par le sujet sur l’écran. Par exemple on commence par tracer deux lignes sur la face dorsale de l’index et du médius placés parallèlement : le sujet prié de dessiner sur l’écran les deux lignes qu’il vient d’apercevoir les trace parallèlement. Puis, on écarte les deux doigts l’un de l’autre, au point de produire presque un angle droit, et on trace, comme auparavant, une ligne sur la face dorsale de la troisième phalange de chaque doigt. Dans ce cas le sujet voit sur l’écran deux lignes visuelles qui divergent, et le degré de divergence des lignes visuelles est égal à celui des doigts. On peut encore, avec un crayon, suivre le contour de la main insensible, et faire ainsi paraître sur l’écran une forme que le sujet ne reconnaît pas toujours du premier coup, que parfois même il ne reconnaît pas du tout, et qui cependant est exactement celle de sa main.

Tels sont les résultats bruts, sans commentaires ni explication, des expériences sur le sens tactile d’un membre soi-disant anesthésique. Nous allons y revenir dans un instant, pour montrer combien tous ces faits, dont quelques-uns peuvent paraître bizarres, sont logiques et cohérents. Nous croyons utile de faire passer un moment le lecteur par les mêmes incertitudes que nous.

Substituons maintenant aux excitations tactiles les excitations du sens musculaire. Si nous soulevons dix fois un doigt de la main insensible, et que nous disions au sujet de penser à un chiffre, il choisira le chiffre dix. Voilà l’expérience à laquelle nous nous étions arrêtés précédemment[1]. Demandons maintenant au sujet sous quelle forme le chiffre dix lui apparaît. Quelques malades font à cette demande une réponse bien singulière, en apparence, et qui nous a

  1. Voir notre précédent article sur Les altérations de la conscience.