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BINET.la vision mentale

le voit d’une façon bien moins distincte que lorsque, l’excitation de l’index ayant lieu exclusivement, le cercle lumineux se dessine autour du point de fixation ; de plus, le cercle éloigné paraît plus petit ; enfin, les images de toutes sortes qui sont vues dans le lointain changent de couleur lorsqu’elles viennent occuper le point de fixation. Chez une de nos malades, Lavr…, nous avons observé constamment que les taches éloignées sont légèrement rougeâtres ; quand elles arrivent au centre du champ de la vision mentale, elles deviennent complètement blanches.

Il résulte de ces expériences, faciles à répéter chez la plupart des malades, que la vision mentale n’est pas également distincte dans toutes les parties du champ. Il y a, dans la vision mentale, comme dans la vision extérieure, une région centrale de la vision distincte, et une région périphérique, où les images perdent de leur netteté. On a dit, depuis longtemps, que l’esprit a comme la rétine sa tache jaune : cela nous paraît rigoureusement vrai.

Rappelons à ce propos que les psychologues anglais ont soutenu que la conscience ne peut percevoir deux phénomènes à la fois. M. Sergi a cru devoir faire une distinction : l’attention, dit-il en substance, ne peut porter que sur un phénomène à la fois, mais on peut avoir en même temps une conscience voilée d’un autre phénomène (Psych. phys., p. 235). L’observation donne raison à M. Sergi.

Jusqu’ici, les expériences que nous avons faites ont consisté à produire une première excitation qui donnait une image visuelle localisée sur le point de fixation, puis une seconde excitation, qui donnait une seconde image visuelle localisée à une certaine distance de la première, sur l’écran. Supprimons maintenant la première excitation, et continuons la seconde. La première image disparaît, et par conséquent le point de mire redevient visible un moment ; puis la seconde tache se rapproche peu à peu, par un mouvement lent et continu, et vient recouvrir à son tour le point de fixation.

Parfois, chez certains sujets, ce mouvement de la tache vers le point de fixation est extrêmement lent et peut durer une minute et même deux minutes (chez Hab…) ; la tache se rapproche par un mouvement lent qui rappelle, selon la comparaison d’une malade, celui d’une goutte d’eau coulant sur un carreau de vitre.

Enfin, chez quelques sujets, alors même que la seconde piqûre est faite quand on a cessé la première, la scconde tache ne se localise pas d’emblée sur le point de fixation.

Il faut encore se rappeler que ce phénomène a son paradigme dans l’état normal. Nos petites taches, dans leur évolution si nette et si