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L. DE LA RIVE. — sur la genèse de la notion d’espace

règle énoncée pour la composition des distances celle de la composition des sensation, et la notion de direction et d’angle est celle qui est directement perçue. Par conséquent une direction rectiligne quelconque, c’est-à-dire une sensation de mouvement, demeurant la même spécifiquement, jouit de la propriété, démontrée analytiquement, d’être un passage de quantité de sensation moindre ou de moindre effort. Il en résulte que, par expérimentation, la ligne droite devient la relation naturelle entre deux points donnés. En résumé, je montre qu’il faut considérer les propriétés géométriques de la ligne droite comme étant les propriétés de la sensation et que celles-ci se déduisent des principes admis pour la synthèse d’éléments simultanés. D’autre part, en objectivant ces propriétés nous usons d’un procédé légitime, puisqu’en fin de compte tous les phénomènes auxquels nous les appliquons sont interprétés par notre sensation de mouvement.

En terminant, je reviens encore une fois au bienveillant exposé de mon mémoire et les explications que j’ai cherché à rendre aussi précises que possible sont peut-être de nature à modifier le jugement sur la tendance réaliste de mes recherches. Elles concluent en effet à l’existence de l’espace avec toute la réalité dont elle est susceptible, déterminée, produite par la notion subjective de la direction rectiligne et de l’angle, laquelle est assimilable pour le sens du mouvement à la couleur pour le sens de la vue.

Pour moi, l’espace se conçoit ainsi : Je sais qu’il existe devant moi un point visuel ou tactile, quand je sais qu’en exerçant d’une certaine manière la sensation musculaire du globe oculaire, j’obtiendrai une certaine sensation visuelle et de même pour le sens musculaire du bras. Dans les deux cas la conception résulte de la représentation ou de la mémoire des sensations perçues et de la conviction de l’existence permanente de la cause extérieure à moi.

Je reconnais toutefois qu’il est un côté de la question que je n’ai pas abordé. L’espace visuel et l’espace tactile se servent de vérification mutuelle et, d’une manière générale, tous les mouvements dont notre corps est susceptible s’associent plus ou moins pour établir et rendre plus complète notre notion de l’espace. C’est évidemment par ces relations à constater et à expliquer entre tous nos éléments de connaissance — ces éléments faisant eux-mêmes partie de l’espace dans lequel ils sont localisés les uns par rapport aux autres — que l’objectivité de l’espace existe et que certaines conditions à imposer aux modes d’action des causes se trouvent énoncées. Ainsi la propagation de la lumière en ligne droite est nécessaire à admettre pour objectiver l’organe visuel. Ainsi encore l’assimilation des dimen-