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CLAY. — le sens commun contre le déterminisme

patient aussi bien qu’agent. Quand la poudre en faisant explosion chasse le boulet, elle n’est pas moins passive qu’active. Un corps qui se meut, mais sans en choquer un autre, est uniquement patient, et n’est nullement agent. Nous appellerons activité pure celle qui n’implique aucune passivité, et activité impure celle qui implique quelque passivité. L’activité pure, si toutefois la chose existe, appartient en propre à la volonté : elle est la différence spécifique de la volition. Toute action pure est volition ; toute volition est action pure. Supposez qu’il n’existe aucune volition : il n’existera aucune action pure. L’idée de volonté et celle de volition se trouvent par là bien définies, nettement séparées de toute autre idée : l’une est l’idée du pouvoir ou de la faculté d’agir de la façon appelée action pure ; l’autre est l’idée de l’action pure elle-même. Ces définitions ne soulèvent nulle question : elles n’impliquent en effet pas qu’il y ait des réalités correspondant aux idées définies.

Maintenant la donnée d’après laquelle il y aurait parmi les activités humaines une espèce qui serait l’activité pure, cette donnée, à supposer même qu’elle contienne du vrai, n’est pas vraie entièrement. On a confondu avec les actions dont on peut sans incohérence soutenir qu’elles sont pures, d’autres actions qui sont certainement impures, et la donnée n’a pas distingué et exclu ces dernières. Je les mets à part sous le nom d’actes d’instinct intentionnel. Pour justifier l’analyse que je ferai de ces actes, je dois d’abord expliquer ce que j’entends par instinct, par intention, et par instinct intentionnel.

Par instinct, j’entends l’attribut propre aux êtres animés et que présupposent des actions qui semblent être volontaires et ne le sont pas : la différence spécifique des actes instinctifs, c’est d’être pseudo-volontaires.

Une intention, c’est une tendance normale et non morbide[1] de l’esprit, qui détermine le sujet à agir ou s’abstenir en telle ou telle occasion conformément à une idée donnée. Une intention n’est pas un acte ; elle n’est pas une volition. Liée par un lien intime avec la volonté, et aussi avec une espèce d’instinct qui a jusqu’ici passé pour de la volonté, l’intention est exposée à être prise à tort pour un acte volontaire. En tant qu’elle est tendance et non acte, elle diffère de la résolution, avec laquelle on la confond communément. Une résolution est un acte de la volonté, ou d’un instinct qui passe pour être la volonté, acte qui a ordinairement, sinon invariablement, pour effet immédiat[2] et antérieur à toute réflexion philosophique, une

  1. Les mots normal » ou « non morbide », dans le sens où ils sont pris ici, seront tout à l’heure l’objet d’une explication.
  2. Pour le moment, il y aurait quelque violence à réduire le sens du mot volition