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là d’ailleurs que les aspects multiples d’une seule et même chose, comme la montée et la descente sont les deux aspects d’une pente. La résolution de se comporter conformément au motif préféré est un choix, car la personne qui forme la résolution n’est pas nécessitée à préférer tel ou tel des motifs contraires ; elle est aussi la cause d’une tendance de l’esprit à agir selon une idée donnée, tendance ou intention qu’on a jusqu’ici prise à tort pour une volition, parce qu’on la confondait avec la résolution facultative dont elle est seulement l’effet. Le choix, remarquez-le bien, résulte immédiatement, non d’un événement, d’un changement qui en serait l’antécédent direct, mais d’une qualité : cette qualité, c’est la Volonté. Ainsi, préparé par la considération d’une alternative pratique comportant des raisons opposées de préférence, excité par un conflit entre ses propres désirs, l’agent volontaire rompt son inaction, et cela par un acte qui est à la fois une résolution, une préférence et un choix ; exempt de toute nécessité de préférer tel ou tel des deux motifs contraires, il en préfère un, et sa résolution n’est point un événement causé, elle est seulement un événement occasionné. Notez ici que le choix se produit à une place intermédiaire entre deux intentions : l’une, c’est l’intention d’examiner, ne fût-ce qu’un instant, une alternative pratique qui se présente, et cela en vue d’aboutir à une préférence ; l’autre est l’effet du choix, et doit par suite être regardée comme une intention volontaire. Ces deux intentions n’ont pas été jusqu’ici distinguées du choix ou volition : l’une en est pourtant l’antécédent ; et l’autre, le conséquent.

Nous possédons maintenant une idée définie du choix, et il nous y apparaît comme étant une espèce de volition. Toute volition est ou n’est pas une préférence. La volition-préférence est ou libre ou nécessitée : elle est libre quant l’agent n’est pas nécessité à préférer ce qu’il préfère. Un choix est une volition-préférence qui est libre, une libre préférence. Il n’y a rien au monde de plus intelligible, si je ne me trompe, que l’idée de libre préférence ou de choix. Pour ce qui est de la cohérence et de la clarté, l’idée de choix est une idée sans défaut. En l’analysant, nous avons réfuté une des principales objections qu’élève contre elle le Déterminisme, à savoir celle-ci, que tout choix serait un acte irrationnel. Nous avons fait voir au contraire qu’il est essentiel au choix de se référer à des raisons opposées. Poursuivons : je vais maintenant réfuter toutes les autres objections dont j’ai connaissance. La donnée naturelle qui nous accorde le pouvoir de choisir est le fondement d’une partie capitale des croyances humaines. Il est déraisonnable de la contester tant qu’il ne s’élève contre elle aucune accusation d’incohérence.