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CLAY. — le sens commun contre le déterminisme

lière, quand il borne ses regards à l’occasion présente. Selon le Christianisme, le but essentiel d’une conduite régulière, c’est la réforme de nos penchants, — la « sanctification » ; — et le but secondaire, c’est la conformité de notre vie pratique avec la dignité morale et le bien de la société. La différence la plus grave peut-être qui soit entre Rome et le Protestantisme, tient à ceci, que Rome conserve la croyance, la ferme espérance, que la sanctification doit résulter d’une conduite chrétienne ; au contraire, le Protestantisme s’est laissé aller à considérer cette hypothèse comme une utopie.

La délibération, c’est l’étude de la question : que faire ? Elle suppose un certain élan de l’esprit vers l’action. Considérer ce que le sujet pourrait faire, mais sans avoir d’élan vers l’action, ce n’est pas là délibérer. La délibération peut être expectante ou élective, selon qu’elle se borne à chercher une idée d’une chose à faire et qui puisse être agréée, ou qu’elle aboutit à un choix. La délibération élective n’est qu’un nom différent, pour désigner l’étude des motifs, supposée par le choix.

Il y a des contrefaçons de la délibération élective. Un homme peut chercher instinctivement une idée d’action qui le satisfasse, qui le décharge du soin de décider, en décidant pour ainsi dire en son lieu et place ; une idée qui, si elle s’était offerte à lui dès qu’il a discerné une occasion d’agir, aurait aussitôt conquis son adhésion et par là exclu toute délibération. Il peut s’offrir à lui quatre ou cinq idées de choses à faire, sans que pas une possède cette force instigatrice qui satisfait et décide l’esprit ; à la fin une cinquième ou sixième, qui a cette propriété, se présente à lui et d’emblée enlève la décision, tout en lui donnant cette illusion de croire que c’est lui qui a pris parti, qui a choisi. N’était cette propriété, nous aurions un signe distinctif pour discerner l’acte de choisir d’avec tous ceux qui risquent de passer à tort pour tels : dans l’acte de choisir, pourrait-on dire, le sujet se fait à lui-même sa décision ; dans tout autre, elle lui est fournie toute faite. Malheureusement pour le crédit de la doctrine du libre arbitre, ce caractère n’est pas propre à la seule volition ; il n’y a même aucune marque accessible à l’intuition pour distinguer les actes de la Volonté. C’est là une sérieuse concession que nous devons faire au Déterminisme.

Toute tendance de l’esprit, conforme à une idée directrice présente, n’est pas une intention. Quand une étude nous fatigue et nous surexcite, parfois elle nous impose une tension ou tendance qui contraint l’esprit à demeurer appliqué au sujet qui le fatigue. En vain alors l’esprit a le dessein de se débarrasser de ce cours de pensées qui l’excède. Or, peut-on soutenir qu’en de pareilles occasions