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ANALYSES.e. caro. Philosophie et philosophes.

parce que les sons et les odeurs lui offrent une foule d’images tout aussi vives que celles qui nous viennent de la vue.

Tout ce petit volume est écrit d’une manière charmante, plein de bonne grâce et d’enjouement, d’une parfaite élégance de langage, un vrai régal de lettré. Quand M. de la Sizeranne nous dit que l’état de cécité est compatible avec le développement des plus excellentes facultés de l’esprit, je veux bien l’en croire, mais j’en crois encore mieux la démonstration vivante qu’il nous en a donnée lui-même en écrivant son livre.

Charles Dunan.

E. Caro. Philosophie et philosophes. 1 vol.  in-16, 422 p. Hachette, 1888.

Comment les dogmes finissent et renaissent. Théodore Jouffroy. — Cousin. — Jules Simon. — Ravaisson. Le P. Gratry. — Charles Jourdain. Emile Saisset. — M. Wallon. — Mme Swetchine. — Frédéric Ozanam.

On ne peut guère résumer un livre composé d’articles écrits au jour le jour et qui nous font passer en revue les questions et les philosophes les plus divers, du déterminimes à la croyance due à l’Évangile[1], de saint Augustin[2] à Jules Simon. Mais cette variété même, qui peut rendre plus difficile la tâche du critique, ne sera pas sans attrait pour beaucoup de lecteurs. Au sortir d’une étude abstraite sur saint Thomas, l’esprit encore fatigué d’une excursion trop rapide parmi les essences quidditatives et les différents intellects, on est tout heureux de reprendre haleine sur des questions moins ardues. Plus d’un, j’en suis sûr, lira les articles relatifs à Frédéric Ozanam ou à l’influence de Mme Swetchine sur la société française, avant de s’arrêter à Théodore Jouffroy ou à Cousin historien de la philosophie.

De nos jours, le nom seul de la métaphysique met en fuite le lecteur ; on préfère les problèmes de morale, les questions sociales ou psychologiques. Il faut bien pourtant, si l’on veut aller au fond des choses, en revenir tôt ou tard à cette métaphysique que l’on voulait bannir, et je sais des écrivains qui seraient fort étonnés si on leur démontrait que telle de leurs doctrines en morale ou en politique les range, à leur insu, parmi les idéalistes ou les nominalistes. M. Caro serait assurément de notre avis sur ce point. Mais alors, pourquoi a-t-il sacrifié si délibérément la métaphysique au goût de notre temps ? L’impression générale qui nous est restée de la lecture de son livre, c’est qu’il semble refuser à dessein de traiter à fond les questions abstraites : le plus

  1. M. Wallon, De la croyance due à l’Évangile, p. 319.
  2. Émile Saisset, la Cité de Dieu de saint Augustin, p. 275.