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phique et ont représenté soit un ou plusieurs doigts d’une part, soit une ou deux mains d’autre part.

L’ouvrage que nous venons d’analyser est, comme on voit, un exposé systématique de toutes les formes principales du langage sans paroles. Il contient une masse de détails qui en rendent la lecture intéressante et fructueuse. Il est écrit sous une forme à demi littéraire. À un ouvrage plus rigoureusement scientifique, on pourrait faire le reproche suivant : d’avoir parfois un peu négligé le côté explicatif pour trop s’abandonner à la description. On désirerait en effet parfois un exposé plus complet des antécédents historiques de certaines manières de parler sans articuler, et, en outre, l’auteur eût pu tirer parti, plus qu’il ne l’a fait, pour une explication ab ovo, des grandes lois de l’expression telles que les ont formulées Darwin, Wundt et Piderit, entre autres.

B. Bourdon.

Paul Carus. The Idea of God. Chicago, 1888.

Une lecture de M. Paul Carus, le nouvel éditeur de The Open Court, faite à la Société pour l’avancement moral, à Chicago.

Dieu est un fait abstrait, mais il est un fait, nous dit M. Carus. « La vertu existe dans les hommes vertueux, et l’idée de la vertu est comme une présence vivante qui ne pourrait être effacée du domaine idéal de l’esprit humain. N’en est-il pas exactement ainsi de l’idée de Dieu ? Certes, un être surnaturel, infiniment sage et tout-puissant, omniprésent et éternel, et limité à la fois à l’existence personnelle d’un moi, comme un homme mortel, une telle déité n’existe point. Mais de même que la vertu existe dans les vertueux, n’est-il rien de divin dans la nature et dans l’homme, où la présence de Dieu pourrait être reconnue comme une réalité actuelle ? À coup sûr, Dieu existe aussi certainement qu’existent la vertu et les autres idées abstraites ; mais Dieu restera un mystère aussi longtemps que nos esprits seront enchaînés dans la notion païenne que Dieu est une chose concrète ou un phénomène. Nous comprendrons mieux Dieu, si nous acceptons que Dieu est ce que Kant appelle un noumène, une idée… Dieu est la vie morale de la nature. Cette définition me semble contenir tout ce qu’il y a de vrai dans les définitions des conceptions analogues, mais elle est dégagée en même temps de toute espèce de « surnaturalisme » et d’anthropomorphisme. Dieu, en ce sens, est la vie dans sa croissance et l’humanité dans son progrès,… c’est plus qu’une idée, c’est un idéal… Un idéal est une idée vivante, c’est-à-dire une idée qui est susceptible d’une réalisation toujours plus avancée et plus parfaite… Je formerai, s’il est nécessaire, un nouveau mot pour cette vue, et je l’appellerai enthéisme, ce qui annonce clairement la conception d’un Dieu moniste, qui est immanent, non transcendant, qui est, à certains égards, différent