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Entre tant de doctrines sur les destinées de notre espèce, nulle certitude que celle-ci soit la bonne ; elle aurait du moins la plus grande vraisemblance. Elle serait enfin, ce sont les paroles mêmes de l’auteur, supérieure à la religion, non seulement en valeur scientifique, mais encore en valeur morale, parce que « ce n’est pas ici l’égoïsme individuel qui est satisfait ».

Du second écrit de M. D. j’ai seulement quelques mots à dire. On y verra qu’il est un disciple d’Eugène Dühring, mais un disciple libre, un admirateur surtout. Il est d’accord avec ce maître éminent, qui s’est nommé lui-même le philosophe de la réalité, en tant que Dühring repousse une philosophie dont l’unique fin serait le savoir, et qu’il vise à discipliner ensemble (en quoi il dépasse Auguste Comte) l’intelligence et le caractère. Par contre, il n’accepte pas avec lui que « notre image du monde recouvre le monde objectif », et, si nous n’avons en effet rien de mieux à faire que de nous accommoder à notre milieu, tel que nous le voyons, il convient pourtant, selon M. D., de réserver la possibilité d’une compréhension des choses plus complète.

On lira avec beaucoup d’intérêt, en somme, ce petit volume, où M. D. expose et critique les opinions principales de Dühring concernant ces questions pratiques si importantes : la responsabilité et le châtiment, le monopole universitaire, l’asiatisme, la situation des femmes, etc. Dühring, cet homme si violemment attaqué et si agressif dans sa propre défense, si vaillant et si maltraité du sort, est certainement une « puissance morale ». Nous recommandons bien volontiers un écrit qui le fera mieux connaître.

Lucien Arréat.

Dr August Forel. Der hypnotismus und seine strafrechtliche bedeutung (L’hypnotisme et sa portée en droit pénal). Berlin, et Leipzig, Guttentag, 1888, p. 65 in-8o.

Cet article a paru en tirage à part sous la couverture du Journal de la science du droit pénal (Zeitschrift für die gesammte Straftrechtswissenschaft, IX Band, 1/2 Heft). M. le Dr Forel, de Zurich, y expose avec beaucoup de précision, et en critique compétent, les travaux sur l’hypnotisme, en attachant une importance particulière à ceux de l’école de Nancy. Sur cet exposé il établit les conclusions, relatives aux pratiques de l’hypnotiseur et aux actes de l’hypnotisé, qui intéressent le droit pénal. Rien d’absolu dans ces conclusions. M. le Dr Forel distingue les cas très nettement ; il fait la part des avantages et des dangers de l’hypnotisation. Mais il réprouve sans réserve, et avec raison, les exhibitions publiques de somnambules, aussi immorales que le seraient des exhibitions d’aliénés. On trouvera dans cet excellent article le récit de quelques expériences personnelles, tendant à confirmer la doctrine qui ramène les phénomènes de l’hypnose à la