Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/573

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faire les mouvements voulus pour chanter avec largeur et force si ma voix s’y prêtait. Remarquons ces images auditives faibles d’une voix très forte ; il y a ici un certain artifice de l’esprit, — comment cette voix qui est naturellement très faible, puisqu’elle est beaucoup plus faible en tant qu’image que la moindre des sensations que me donnerait une voix réelle, peut-elle paraître puissante ? D’abord je ne la compare qu’à d’autres voix imaginaires, et il y a, par conséquent, dans le fait de l’image faible d’une voix forte un acte intellectuel très marqué. De plus, je sais, parce que je le veux, que c’est une voix forte et vibrante, et j’éprouve en même temps à l’état faible les états psychologiques affectifs, organiques, intellectuels ou vagues que fait éprouver la sensation d’une voix forte. Il y aurait quelque illusion à me figurer que j’ai réellement une image auditive d’une voix forte, j’ai une image auditive très faible, mais je sais, grâce aux impressions concomitantes, que cette image très faible représente une voix forte quoiqu’elle ne lui ressemble guère. Il en est un peu de ces images comme des décors primitifs représentés par un écriteau portant, par exemple, ces mots : Ceci est une forêt ; car grâce à l’organisation psychique, l’effet produit pouvait être à peu près le même que si la forêt avait été là, sans que d’ailleurs il se produisît une image visuelle de la forêt. La voix imaginée tient, dans une certaine mesure, son caractère, de ce fait que toutes les images paraissent faibles, mais cela est tout à fait secondaire. L’intelligence et la volonté ou l’orientation spontanée de l’esprit ont certainement beaucoup plus de part dans le phénomène que la représentation proprement dite. »

Les représentations tactiles sont chez moi assez nettes et assez fidèles. Je me représente assez bien les sensations que fait éprouver le contact de divers corps. Si j’imagine que je saisis un objet, j’imagine bien la sensation tactile qui en résulte, je me représente bien aussi la sensation de pression qui se produirait si je plaçais un poids sur le dos de ma main, toutefois, ces images concrètes que je puis former sont fugitives et ne s’enchaînent pas ; elles ne me paraissent pas différer essentiellement des images visuelles et auditives au point de vue auquel nous avons à nous placer ici. Je puis essayer, par exemple, de me représenter que je monte mon escalier la nuit sans lumière. Je me représente déjà par des images tactiles plus ou moins fortes les sensations de la main qui tient la rampe, des pieds qui appuient sur les marches, j’imagine aussi assez nettement par des rappels de sensations les mouvements des bras et des jambes, l’incertitude relative de la démarche, etc. Je note en passant que je ne puis bannir complètement les images visuelles, et quelles