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MARILLIER.sur le mécanisme de l’attention

le conteste pas, mais ce n’est pas toujours le cas. M. Ribot attribue lui-même une très grande importance aux actions d’arrêt déterminées par l’excitation des centres ; l’attention volontaire est pour lui essentiellement un phénomène inhibitoire, mais lorsqu’il y a résolution musculaire, il ne peut être question de mouvements qui provoqueraient des sensations destinées à renforcer la représentation primitive. Il n’est pas douteux que dans l’extase et dans l’attention portée au plus degré, il n’y ait inhibition de tous les mouvements ; la syncope respiratoire, la syncope cardiaque ont même été observées en certains cas. On comprend assez mal, il faut bien l’avouer, comment des mouvements généraux comme ceux que l’on voit se produire fréquemment sous l’influence d’une image vive pourraient déterminer par les sensations qu’ils causent cette prépondérance d’une représentation sur les représentations rivales, prépondérance qui est la condition même de l’attention ; ce que produisent bien plus habituellement ces sensations musculaires, c’est l’excitation de l’ensemble des centres sensitifs. Dans ce cas, toutes les représentations augmentent à la fois d’intensité : la représentation, qui est dominante à un instant donné, s’affaiblit en raison de la loi de relativité ; les autres représentations grandissent plus rapidement qu’elle, et bientôt elle devient à demi inconsciente. Au reste, si les sensations périphériques venaient donner d’instant en instant une force et une vivacité nouvelles à l’image ou à l’idée, qui a subordonné et groupé autour d’elle les autres images et les autres idées, l’attention ne pourrait jamais faiblir et si une sensation d’une intensité plus grande que l’image dominante ne la rejetait pas à son tour au second plan, jamais de lui-même cet équilibre mental ne se romprait, jamais d’autres états de conscience ne pourraient apparaître en pleine lumière. Or nous savons qu’au bout d’un temps très court l’attention devient moins intense, que la représentation qui occupait le premier plan s’efface graduellement et fait place bientôt à un autre état de conscience qu’elle évoque par association et qui pourra devenir à son tour un centre autour duquel viendront se ranger les autres représentations. Je ne crois pas qu’il faille rechercher les causes qui maintiennent à une représentation sa prépondérance, d’autant qu’en fait cette prépondérance ne se maintient pas, mais bien plutôt celles qui la lui donnent. Elles sont, semble-t-il, de divers ordres : celles dont il faudrait tout d’abord tenir compte, ce sont les variations dans la quantité ou la qualité du sang qui vient irriguer telle ou telle partie des centres sensitifs. Il conviendrait aussi d’étudier en grand détail l’action des lois d’association, le rôle des sensations périphériques, l’action dynamogénique des divers centres corticaux les uns sur les autres, etc.