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désordre intellectuel ; la manie intellectuelle peut au reste venir ultérieurement s’ajouter à la manie motrice : j’en ai vu cet automne un très frappant exemple dans le service du Dr Magnan. Les mouvements ne sont pas toujours inhibés dans l’extrême attention, ni même dans des états qui confinent à l’extase, mais alors le moi est en quelque sorte coupé en deux et le mécanisme moteur fonctionne indépendamment du mécanisme représentatif ; les mouvements sont coordonnés, ils sont adaptés à leur but, mais instinctivement adaptés, les représentations n’interviennent pas ; la langue familière montre que c’est là un état de conscience connu de tout le monde : « J’ai fait cela machinalement, je pensais à autre chose. » Je n’ai pas besoin au reste d’insister sur les phénomènes d’habitude ; on sait que ce sont essentiellement des phénomènes moteurs qui évoluent indépendamment des représentations, à côté d’elles.

Il existe, à côté de la véritable attention, de l’attention intellectuelle, une attention motrice, je veux dire une coordination des mouvements qui résulte des différences d’intensité entre les excitations des divers centres moteurs ; c’est au reste bien plutôt subordination que coordination de mouvements qu’il faudrait dire. Si un centre moteur est fortement excité, on voit se produire les mouvements qui dépendent de ce centre et de ceux qui lui sont associés, en même temps que sont arrêtés, en quelque mesure, tous les autres mouvements ; il y a ainsi prédominance sur toutes les autres d’une certaine classe de mouvements, adaptation de tout l’organisme moteur à un acte déterminé. Mais il faut remarquer que si l’excitation augmente, les mouvements se généralisent et l’adaptation disparaît, et que, si elle grandit encore, les phénomènes changent de sens, les muscles se relâchent et il y a inhibition partielle ou totale du système moteur. Il existe entre les divers centres moteurs des associations fonctionnelles fort étroites et ces associations, ces mécanismes moteurs qui préexistent à l’action des représentations, expliquent pour une large part cette coordination des mouvements, cette adaptation de tous les actes à un même but, qui est si frappante dans certaines formes de l’attention. Aussi est-il facile de comprendre que c’est seulement dans les formes moyennes de l’attention que l’on trouvera cette adaptation rigoureuse de tout l’organisme à un même acte ; il faut que l’excitation d’un centre sensitif soit assez forte pour ébranler fortement les centres moteurs qui lui sont associés, il faut qu’il existe une très grande différence d’intensité entre l’excitation de ce centre et celle des autres centres sensitifs, il faut enfin que l’excitation ne soit pas néanmoins assez intense pour diffuser à travers la zone motrice.