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MARILLIER.sur le mécanisme de l’attention

elles sont naturelles ; toutes deux elles peuvent se perfectionner.

On pourrait conclure d’une phrase de M. Ribot (p. 91) que pour lui le mécanisme de l’attention spontanée est un mécanisme moteur actif, tandis que celui de l’attention volontaire est essentiellement un mécanisme d’arrêt. C’est là une distinction qui ne me semble pas fondée. J’ai déjà indiqué que d’après moi les phénomènes moteurs ne jouent dans l’attention qu’un rôle secondaire : ce qui est essentiel c’est ce qui se passe dans les centres sensitifs de l’écorce. Or il résulte des faits que j’ai analysés et de l’interprétation que j’en ai donnée, que si nous ne tenons compte que des modifications psychiques qui ont leur siège dans les centres sensitifs, nous sommes amenés à n’envisager l’attention que comme un phénomène d’arrêt. Que nous ayons affaire à l’une ou à l’autre des deux formes de l’attention, c’est toujours en somme à une action d’arrêt exercée par certains centres sensitifs sur les autres qu’il faudra en dernière analyse ramener le phénomène. Les idées s’évoquent les unes les autres, c’est-à-dire que les centres sensitifs s’excitent les uns les autres, mais si l’excitation d’un centre grandit au delà d’une certaine limite, l’action de ce centre sur les centres voisins change de sens ; au lieu de les exciter, il les inhibe. Il faut remarquer qu’il ne s’agit pas ici de l’action d’un centre isolé, mais de celle d’un groupe de centres fonctionnellement associés.

Quand l’intensité de l’excitation diminue, les centres inhibés rentrent en activité et le défilé d’images et d’idées qui constitue sa vie mentale ordinaire suit son cours habituel. L’inhibition des centres est plus ou moins complète. À l’inhibition la plus parfaite correspond l’attention la plus profonde. Si un seul centre reste actif, si cette activité est aussi grande qu’il est possible, c’est l’extase, c’est-à-dire l’unité de pensée. Si aucun état de conscience ne peut acquérir une intensité suffisante pour arrêter les autres états de conscience, l’attention est impossible. Elle peut être impossible avec des représentations très vives, si toutes ces représentations ont un égal degré de vivacité ; elles s’atténuent et se réduisent réciproquement et l’unité de conscience, qui est l’attention même ne peut se produire. Peu importent les causes qui donnent à une représentation sa grandeur ; que ce soit à des associations avec des éléments moteurs de l’esprit ou avec des sentiments qu’elle l’emprunte, le mécanisme par lequel elle agit n’en est pas modifié.

En résumé l’attention résulte d’après moi des différences de quantité qui existent entre les représentations ; son mécanisme est toujours un mécanisme d’arrêt.

L. Marillier.