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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

critique et la foi. Et l’auteur de dire qu’il faut « transformer la théologie de façon à faire cesser l’incompatibilité introduite par les hommes entre la Bible telle que l’a faite la science et la Bible telle que la veut la foi ». Au fond, ce qu’il proclame et réclame, en se plaçant à un point de vue très spécialement protestant, c’est ce que le regretté François Lenormand et autres catholiques ont demandé avec instance aux théologiens de leur confession, à savoir de distinguer et de séparer les questions de dogme et de foi des questions purement littéraires et historiques que soulève l’étude des livres bibliques, Qu’importe au dogme chrétien que le Pentateuque soit d’une ou de plusieurs plumes, soit le fruit d’une époque très reculée ou remonte à des temps moins anciens ? En quoi l’idée religieuse qu’il exprime est-elle compromise par cette circonstance que l’œuvre n’est ni de la personne ni du siècle que la tradition allègue ? L’inspiration dont la théologie revendique le bénéfice pour la Bible tiendrait-elle non à son contenu et à ses effets, mais aux circonstances purement extérieures de sa composition ? J’élabore en ce moment même un travail d’ensemble, dont les conclusions vont à restituer l’unité religieuse des livres bibliques tout en rapportant leur composition à une date assez rapprochée des temps du christianisme. Et je prétends que l’adoption de pareils résultats ne serait en rien préjudiciable pour l’édifice du dogme chrétien, qui s’appuie en réalité sur toute autre chose que sur la date et le procédé de composition des textes de l’Ancien Testament. Je salue donc dans l’auteur des Sources du Pentateuque un allié et suis heureux de voir la thèse que je défends trouver des appuis dans les rangs de l’orthodoxie protestante. Cette orthodoxie, quand je faisais moi-même des études de théologie, je l’ai vue pousser l’intolérance au delà de tout ce qu’on peut imaginer ; si M. Westphal peut contribuer à élargir les vieux cadres qui, je m’empresse de le dire, ne sont plus ce qu’ils étaient il y a vingt ans encore, je l’en féliciterai très sincèrement.

Comment réconcilier la foi avec la critique des livres bibliques entreprise selon les règles exactes de l’examen proprement littéraire ? C’est en faisant voir que les résultats de cette étude s’accordent avec les affirmations du dogme. M. Westphal distingue ici entre le problème « historique » et le problème « littéraire ». C’est à celui-ci qu’il s’attaque pour le moment, renvoyant à un moment ultérieur la question de date des divers documents dont il reconnaît la présence dans le Pentateuque : « La question de savoir à quelle période historique nous ramènent les différents documents qui composent le Pentateuque, dépend expressément de la découverte et de la reconstitution préalable de ces divers documents. Tant que le problème littéraire, c’est-à-dire la recherche des documents, n’a pas été résolu, le problème historique, c’est-à-dire la fixation de leurs dates respectives, ne peut être abordé avec quelque chance de succès. » Or, l’auteur croit qu’on peut considérer la question littéraire comme tranchée et il admet dans l’ensemble les résultats des écoles critiques à cet égard.