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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

Nous nous accordons avec M. Baethgen sur de nombreux points de détail. Nous rejetons avec lui, dans l’ensemble, ce qu’on allègue touchant le prétendu polythéisme primitif des Hébreux, et ne pouvons pas considérer autrement que comme une fantaisie ingénieuse l’essai qu’on a fait de tirer de la Bible toute une mythologie dans le goût de celle qu’on prête aux pères de la race indo-européenne. Cependant son parti pris est trop sensible dans sa manière de traiter les textes. Quand il s’agit de Sémites non israélites, le moindre indice lui suffit à affirmer le polythéisme ; quand il est question des Hébreux, c’est tout autre chose. D’ailleurs M. Baethgen incline à accorder aux documents bibliques une antiquité et une sûreté que je ne saurais leur reconnaître.

La partie de l’ouvrage qui laisse le plus à désirer est la troisième. L’auteur prétend retracer l’évolution religieuse comparative des diverses nations sémitiques à une époque pour laquelle toute indication sérieusement datée fait défaut. Nous devons déclarer hautement que cet essai pèche par la base et que des conclusions ainsi obtenues n’ont aucune valeur quelconque. Pour qu’une comparaison soit fructueuse, il est essentiel qu’elle s’appuie de faits datés, sinon à quelques années près, au moins avec une approximation suffisante. C’est pour cette raison qu’il ne saurait être question, dans l’état actuel de nos connaissances, de tenter dans des conditions vraiment scientifiques une comparaison entre la marche suivie par les Hébreux dans leur développement religieux et l’évolution analogue qui s’est produite dans les nations ou peuples que l’on intitule également sémitiques.

Les lecteurs de cette Revue n’ont pas besoin que nous leur présentions M. Labanca, professeur à l’Université de Rome, dont nous avons fréquemment occasion d’annoncer et de louer les solides et consciencieuses études. Il s’agit aujourd’hui, avec la Philosophie chrétienne[1], du second volume d’un grand ouvrage, dont la première partie a paru sous le titre de : le Christianisme primitif. M. Labanca distingue, comme on sait, trois christianismes différents : le christianisme primitif que l’on pourrait appeler le nazaréisme, c’est-à-dire l’enseignement authentique du Christ historique et des premières communautés chrétiennes, qui est à proprement parler la religion chrétienne ; le christianisme légendaire, consistant dans l’ensemble des traditions forgées par l’imagination populaire et substituées par elle à la réalité historique ; enfin le christianisme comme doctrine philosophique ou la philosophie chrétienne. Après avoir dégagé dans le précédent volume le christianisme primitif du christianisme légendaire et avoir montré la formation de celui-ci, M. Labanca expose maintenant l’avènement, la grandeur et la décadence de la philosophie chrétienne.

Dans les huit premiers chapitres de son livre, le savant professeur décrit la méthode de la philosophie chrétienne, sa nature, ses limites

  1. In-8o, xv et 683 pages.